LE HÉROS COMMÉMORÉ PAR LA RESTAURATION DU ROSELAND SPITFIRE

En 1999, les membres du Comox Air Force Museum, sur l’île de Vancouver, ont entamé un projet de 10 ans visant à reconstruire un Supermarine Spitfire IX à partir des cendres d’une ancienne épave de l’armée de l’air sud-africaine. Une fois terminé, ce Spitfire s’envolera arborant le marquage d’un appareil ayant servi pendant la Seconde Guerre mondiale au sein du célèbre escadron 442, qui est toujours en activité et basé aujourd’hui à Comox. Le marquage Y2-K qu’il portera rend hommage à l’escadron d’origine et fait un clin d’œil au fonds du millénaire qui a permis de lancer le projet. Au cours de sa carrière au combat, le Y2-K a été piloté par de nombreux pilotes du 442e Escadron, mais aucun ne s’est approché du cap des 65 sorties effectuées par un homme connu sous le nom de Rosey par ses amis. Voici son histoire.

Dans l’après-midi du jeudi 13 juillet 1944, le commandant d’aviation Harold James Dowding a ramené ses pilotes du 442e Escadron sans incident au-dessus de la campagne française à la fin d’une mission offensive derrière les lignes ennemies.  Selon le journal de guerre des Calgary Highlanders pour cette journée-là, le temps était beau et chaud avec une légère brise au niveau du sol. La formation relâchée de Supermarine Spitfire usés par le combat se laissait secouer gentiment par l’air chaud alors que les pilotes se hâtaient vers leur base. Les pilotes du 442 étaient toujours ravis de rentrer chez eux en vie. La chaleur d’un après-midi d’été s’abattait sur ces jeunes hommes qui se regardent les uns les autres tout en observant le ciel qui les entoure. Depuis les débarquements massifs du jour J, ils avaient enduré pendant plus de cinq semaines d’opérations continues au-dessus du territoire ennemi. Dowding lui-même avait été le premier pilote allié à effectuer un atterrissage d’urgence en France le 9 juin. Rentré en Angleterre par bateau, il prévoyait bientôt ramener tout son escadron à Sainte-Croix-sur-Mer, en France, sur un terrain d’atterrissage nouvellement aménagé non loin des plages. Pour les hommes du 442, cela semblait s’éterniser, mais personne ne se faisaient d’illusion, des mois de tuerie et de sacrifice les attendaient.

Les jeunes canadiens venaient tout juste de traverser une couche de nuages de 1 000 pieds d'épaisseur et se retrouvaient à la merci de la chaleur d'un soleil d'été à 4 000 pieds alors qu’ils grimpaient vers 6 000 pieds. Malgré la chaleur dans leurs cockpits, le vrombissement cadencé de leur Merlin et la proximité de leur base sur la côte normande, leurs yeux et leurs cœurs restaient alertes et craintifs. Bien qu'ils aient établi un certain degré de domination dans le ciel dans l’est de la France au cours du mois dernier, leur supériorité aérienne était précaire.

À l’arrière de Dowding, le Lieutenant d’aviation Arnold Walter « Rosey » Roseland, 27 ans, commande les six Spitfire de la Section Green, étalés derrière Dowding comme un sillage. Rosey était un pilote d'escadron bien-aimé et plus chevronné que la majorité. Il avait fait partie du 442e Escadron, alors nommé le 14e Escadron, et avait piloté auparavant des P-40 Kittyhawk. En effet, il a participé à cette autre guerre combattue contre l’autre ennemi, les Japonais au-dessus des îles aléoutiennes au sud de la mer de Béring. Là-bas, le froid et la pluie infligeaient des épreuves constantes et la chasse avait été médiocre. Ici, au-dessus de la France, si la chaleur était accablante, l'ennemi était toujours proche.

Comme tous les autres, Roseland, était un pilote aguerri au regard vif, au cœur audacieux et au désir profond d’en finir avec la guerre et de rentrer chez lui. Dans son rôle comme Green Leader, il fouillait du regard le ciel français au-dessus de lui ainsi que les nuages sous ses ailes à la recherche d’avions ennemis. Profitant d’une brèche dans le nuage, un scintillement du soleil sur une verrière à une bonne distance sous lui attira son attention. Immédiatement, il se concentre sur ce miroitement et distingue un petit groupe de chasseurs allemands sous les nuages. Informant Dowding qu’il allait les prendre de front, Roseland a brusquement virer son appareil et a entrainé son ailier, le lieutenant d’aviation Hugh McClarty (sur Y2-T) et le reste de la Section Green (Morse sur Y2-W, Wright en Y2-V, Burns sur Y2-U et Campbell sur Y2-X) dans la brèche. Pendant ce temps, Dowding a maintenu son groupe au-dessus des nuages dans l’espoir d’attaquer tout chasseur allemand qui percerait la couche de nuages. Avec son groupe, Dowding demeure en orbite au-dessus de la bataille, tout en rôdant et en observant le ciel à travers les nuages fragmentés.

Pilotes du 442e escadron nouvellement formé en 1944. Arnold Rosey Roseland est à l’extrême droite. Au milieu (avec le t-shirt rayé tout juste visible) se trouve le commandant d’aviation Blair Dalzell « Dal » Russel. La date et le lieu exacts de cette photographie ne sont pas connus, mais Russel commandait cet escadron entre le 1er mai et le 15 juillet 1944, ce qui donne une idée de la période de temps. Photo : RCAF

En dessous d’eux, 12 Focke Wulf 190 camouflés en gris et des Messerschmitt Bf 109 rompent leur formation dès qu’ils aperçoivent Roseland qui piquait vers eux en trombe, et s’enfuient pour profiter de la couverture des nuages. Roseland et son ailier McClarty s’accrochent à la queue d’un Bf 109, qui s’esquive entre les nuages, pour tenter de l’abattre. En luttant pour rester dans le sillage du chasseur allemand, Roseland a perdu son ailier McClarty qui est cependant resté dans la zone du combat. Éventuellement, Roseland a perdu l’Allemand dans les nuages et a demandé par radio à sa section de le rejoindre au-dessus des nuages à 7 000 pieds.

Cependant, sans ailier pour le protéger contre l’ennemi, et maintenant seul sous les nuages, les chasseurs allemands se sont retournés contre lui comme une meute de loups. Roseland n’avait que quelques minutes à vivre.

Sous eux dans les champs et les fermes près de Saint-Martin-de-Mailloc en Normandie, les fermiers français avaient observé les 12 chasseurs allemands qui sillonnaient le ciel au-dessus de leurs terres. Après quatre années d’occupation par ces conquérants arrogants qui n’étaient surtout pas les bienvenus, les Français observaient leur passage avec une haine blasée. Le rugissement teutonique de leurs moteurs BMW et Daimler Benz était devenu monnaie courante dans le ciel de leurs fermes au cours des dernières années, mais voici un mois maintenant depuis l’invasion et le bruit ne faisait que s’amplifier. Se protégeant les yeux de la brume lumineuse sous les nuages, les fermiers suivaient les machines allemandes détestées depuis l’horizon oriental en direction de l’ouest, priant pour que la mort ne vienne pas frapper à leurs portes. Mais il y avait un autre son, plus lointain, que l’on pouvait tout juste distinguer par-dessus du bruit des Allemands. En effet, loin au-dessus, à travers une brèche dans le nuage, quelques fermiers français observaient une patrouille de Spitfires qui viraient sur le dos et plongeaient par paires pour attaquer les Allemands. Les moteurs Merlin des magnifiques chasseurs alliés poussaient leur cri de guerre en concert avec les manettes des gaz poussées à fond par leurs pilotes.

Les fermiers français de la région de la Normandie avaient appris à leurs dépens qu’un combat aérien tournoyant au-dessus de leurs têtes était un divertissement dangereux. Par conséquent, ils ont rapidement averti leurs familles et leurs amis de se mettre à l’abri. Bientôt, le craquement sourd des canons et le crépitement des rafales de mitrailleuses se mêlent au rugissement des moteurs. Les balles traçantes rouges accompagnées d’une fumée sale déchirent le ciel maussade. Les Spitfire poursuivent les Messerschmitts qui poursuivent à leur tour des Spitfire. À travers le vaste paysage français, les avions virent, montent et tournoient, les moteurs sont poussés au maximum, des obus de canon lourd et des rafales de balles de mitrailleuse arrosent les champs en les croisant aléatoirement, soulevant des petites bouffées de terre. Du ciel, de lourdes douilles en laiton encore fumantes et chaudes au toucher pleuvent sur les champs. Il n’était pas bon d’être à l’extérieur - surtout lorsqu’un combattant avait perdu sa bataille.

Alors que ces jeunes hommes inconnus luttaient contre la mort au-dessus de leur tête, les habitants de Saint-Martin-de-Mailloc, dont un adolescent nommé Pierre Behier, observaient la scène. Certains depuis la sécurité des maisons, d’autres travaillant encore dans les champs. Dans la ferme appartenant à la future épouse de Behier, la maison principale était bondée de 22 hommes, femmes et enfants cherchant à s’abriter du feu provenant du ciel. À l’extérieur, plusieurs hommes et garçons, dont Behier, observaient, glacés de crainte et d’effroi, la bataille qui fait rage. En particulier ils fixent le regard sur cinq Messerschmitts aux croix noires qui se ruaient sur le dernier Spitfire.

Tout autour du paysage français, le combat tourbillonnait et tailladait le ciel d’une joute mortelle de coups de fouet. Comme un orignal se débattant dans la neige profonde, entouré d’une meute de loups, ce n’était qu’une question de temps avant qu’un coup mortel ne soit porté. Clairement, le pilote du Spitfire luttait pour sa vie. Après plusieurs minutes, un Allemand a réussi à enflammer le Spitfire en le lacérant d’une rafale d’obus de canon et dans ses dernières secondes, le Spit amorça une longue chute fumante vers Behier, sa ferme et les 22 âmes qu’elle abritait. Selon les observateurs, le pilote a fait glisser la verrière tout en tentant de diriger le Spitfire mortellement touché pour éviter la ferme. À la dernière seconde, le pilote est sorti de son cockpit et a ouvert son parachute. Mais sous le regard horrifié de Behier, le parachute reste accroché à la queue du Spitfire et le pilote, impuissant, tombe avec l’avion qui s’écrase en flammes au-dessus de la tête des jeunes spectateurs français à moins de dix mètres de la ferme. La force de la descente et de l’impact de l’écrasement ont catapulté le pilote mourant au-dessus de l’épave 100 mètres plus loin à la manière d’un trébuchet. Tragiquement, son corps abimé a heurté un épais poteau de clôture, qu’il cassa en deux.

Le corps, brisé et sans vie, s’est immobilisé près d’une grange à cidre. Pierre Behier et un ami ont couru vers le jeune pilote qui gisait sans vie, encore chaud, toujours attaché à son parachute de soie blanche, les yeux fixés vers un ciel qu’il ne verra plus jamais. La fumée de l’épave souillait l’air. La famille et les amis stupéfiés sortirent en masse de la maison, maintenant que le combat aérien était terminé. Une petite photo d’une jolie femme a été trouvée au sol entre la maison et le pilote mort, maintenant entouré de villageois de Saint-Martin-de-Mailloc. Une personne a trouvé un briquet Zippo en laiton sur lequel était inscrit le mot « Roseland ».

À peine quelques minutes plus tard, des soldats allemands, portant de lourds casques d’acier et des armes en bandoulière, sont arrivés à bord de motos couvertes de boue pour fouiller le corps qu’ils avaient vu tomber du ciel. Ils lui ont arraché un portefeuille, des papiers d’identité et, des femmes qui l’avaient récupérée sur le terrain, la photo de la jolie femme. Les jeunes Allemands, qui avaient tout probablement été témoins de la férocité avec laquelle il avait livré son dernier combat, ont salué le corps du jeune pilote. Ils ont par la suite enfourché leurs motos et sont partis en trombe sur le chemin de terre.

C’était une scène indescriptible et irréelle. Dans les longues herbes près de la grange gisait un homme inconnu, beau, jeune, couvert de terre et de sang. Le son des oiseaux chanteurs était revenu pour remplacer le vacarme sinistre de la Luftwaffe qui s’éloignait vers l’horizon tandis que la brise agitait et gonflait le parachute déchiré et inutile. Cette même brise caressait une mèche de cheveux de Roseland, couleur sable et dissipait la fumée. Des enfants sanglotaient. Un écusson d’épaule avec le mot CANADA, un briquet en laiton avec l’étrange inscription Roseland, et la photo volée d’une femme qui n’était pas encore au courant de la tragédie qui se jouait à Saint-Martin-de-Mailloc, voilà tout ce qui servait d’identité offerte à Dieu pour ce jeune homme. Nonobstant cette identité, il était loin, très loin de chez lui. Les Français qui se tenaient-là n’ont pas oublié que cet homme était mort en chassant les Allemands de leur pays. Ils ne le savaient pas encore, mais cet aviateur gisant sur le sol, sous un ciel français maussade, en cet après-midi de juillet, entouré de villageois français attristés, ne rentrerait chez lui que 55 ans plus tard. Mais il rentrerait chez lui, certes, auprès du fils qu’il n’a jamais connu.

Fils d’immigrants norvégiens, Arnold Roseland était Canadien, né dans une hutte de terre au milieu du vaste territoire d’élevage des prairies canadiennes alors que la Première Guerre mondiale battait son plein. Aujourd’hui, Youngstown, sa ville natale en Alberta, compte une population de 170 âmes. C’est à partir de ces petites villes rurales comme Youngstown, partout au Canada, que des hommes comme Bert Houle (Massey, Ontario), Stocky Edwards (Nokomis, Saskatchewan) et Arnold Roseland sont venus miser leur vie sur la roulette de la guerre pour, comme le disait la devise du 442e Escadron : Un Dieu, un roi, un cœur.

Rendu adulte, Pierre Behier est devenu le maire de Saint-Martin-de-Mailloc et a passé 50 ans à rechercher d’abord l’identité, puis la famille de ce jeune homme dont il avait été témoin de la mort en 1944. Il finit par trouver Ron Roseland-Barnes, le fils d’Arnold Roseland, à Oakville, en Ontario, et l’invite à assister à l’inauguration d’un monument commémoratif en l’honneur de ce jeune homme sympathique qui a connu la mort sur cette terre il y a si longtemps. La visite qui s’ensuivit fut pleine d’amitié, de larmes longtemps attendues, de bonheur et de fierté pour un père que Ron commençait tout juste à connaître.

Ron et ses deux fils se sont rendus en France et ont été chaleureusement accueillis et célébrés par Pierre Behier et tous les habitants de Saint-Martin-de-Mailloc. Pour la première fois de sa vie, Ron apprend la vérité sur son père et l’impact de sa mort sur toute une communauté. Les habitants de la ville et Ron lui-même ont été saisis d’émotion en tournant ensemble la page sur cette histoire. Le corps d’Arnold reposera à jamais dans un cimetière canadien de morts de guerre en France. Pour la première fois, il est vraiment chez lui.

L’aviateur-chef Arnold Roseland lors de sa formation. Arnold s’est enrôlé en 1940 et, comme beaucoup d’autres avant et après lui, il a commencé sa carrière dans l’ARC au dépôt no 1 du personnel à Toronto. De là, il a été envoyé à l’École de formation élémentaire no 11 (Fleet Finch) au Cap-de-la-Madeleine, au Québec, puis à Ottawa pour suivre son entraînement au pilotage militaire (Harvard et Yale) à l’École de pilotage militaire pilotage no 2 d’Uplands. Photo : Archives familiales Roseland

Il est facile de voir que la formation de pilote chez Arnold a produit un jeune homme sûr de lui. Il porte les ailes d’un pilote de l’Aviation royale du Canada, le galon unique d’un officier pilote récemment commissionné et le sourire confiant et quelque peu narquois d’un homme sûr de lui-même. Après avoir obtenu son brevet de pilote, Arnold est affecté à l’École centrale de pilotage de l’ARC à Trenton, sur le lac Ontario. Il y devient un pilote généraliste, formé sur de nombreux types d’appareils, ce qui lui permet de piloter une multitude d’avions (Anson, Battle, Bolingbroke, Fawn, Cornell, Crane, Finch, Harvard, Hudson, Hurricane, Oxford, Ventura, Lockheed 10). Cet ensemble de compétences était une nécessité pour les pilotes dans les écoles de navigation, de bombardement et de tir. Après Trenton, il est affecté à l’École de bombardement et de tir de Macdonald, au Manitoba. Photo : Archives familiales Roseland

Arnold prend une pose fière et protectrice auprès de sa belle épouse Audrey. Photo : Archives familiales Roseland

Après avoir reçu son brevet de pilote, Arnold Roseland a passé un séjour comme pilote de l’École de bombardement et de tir no 3 à Macdonald, au Manitoba, avant son transfert au 14e Escadron. Cet escadron de chasseurs équipés de P-40 Kittyhawk était basé à Ottawa, à la station Rockcliffe de l’ARC, juste de l’autre côté de la rivière face au site actuel des Ailes d’époque du Canada, à Gatineau. Ici, Roseland (au milieu) vole avec deux autres pilotes pour leur photo de carte de Noël. À l’arrière-plan, on aperçoit les montagnes de la chaîne côtière de la Colombie-Britannique. Cette unité a été formée à Rockcliffe, en Ontario, le 2 janvier 1942. Elle est commandée par le commandant d’aviation B.D. Russell, DFC, jusqu’en novembre 1942, date à laquelle le nouveau commandant B.R. Walker, DFC, prend la relève. De mars 1942 à février 1943, Roseland est basé à Sea Island (Vancouver) mais, du 3 mars au 15 septembre 1943, il est basé à Umnak dans les Aléoutiennes. Des détachements sont déployés à Amchitka du 17 avril au 15 mai, puis du 9 juillet au 29 août. Lors du premier détachement, l’escadron participe à 14 missions (88 sorties) et à 16 missions (102 sorties) lors du deuxième. En général, il s’agissait d’attaquer les positions japonaises par bombardements en piqué sur Kiska. Au cours de cette campagne, huit membres de l’escadron ont reçu l’US Air Medal et deux ont été fait eu une Citation dans l’ordre du jour. Du 24 septembre au 23 décembre 1943, le 14e Escadron est basé à Boundary Bay, en Colombie-Britannique. Il est ensuite assigné outre-mer, renommé 442, et devient un escadron muni de Spitfire. Photo : Archives familiales Roseland

L’inscription au dos de cette photo se lit comme suit : « Canadiens juste avant le raid de Kiska, Amchitka 1943 ». Arnold Roseland est accroupi à gauche au premier rang. Remarquez le revêtement de métal de la piste nécessaire pour empêcher l’avion de s’enliser dans la boue des pistes aléoutiennes. Photo : Archives de la famille Roseland

Les pilotes du 14e Escadron de l’ARC quelque part dans les Aléoutiennes à l’été 1943. Roseland est le deuxième à partir de la droite. Il est revenu avec son escadron à Boundary Bay, près de Vancouver, le 5 octobre, un peu trop tard pour assister à la naissance de son deuxième fils, Ronald. Photo : Archives de la famille Roseland

Photo probablement prise à Sea Island en 1942. Il s’agit ici d’une photo plus officielle des sous-officiers et officiers pilotes du 14e Escadron. Rosey est quatrième de la droite debout au dernier rang. Photo : Archives de la famille Roseland

Arnold et Audrey. À en juger par les galons d’un capitaine d’aviation qu’on aperçoit sur les épaulettes d’Arnold, cette photo a peut-être été prise en hiver avant son départ outre-mer avec le 14e Escadron, qui a été reformé comme 442e Escadron. En discutant de cette photo avec Ron Roseland-Barnes, nous avons pensé qu’elle avait peut-être été prise à Lachine, Québec ou Montréal, ou dans les environs. Roseland et son épouse Audrey ont profité de leurs trois semaines de congé avant d’embarquer sur un navire de transport de troupes pour l’Europe. Photo : Archives de la famille Roseland

Avançons vers le futur

Les Spitfire du 442e Escadron portaient le marquage Y2 de l’escadron sur les flancs de leur fuselage. Ce jour fatidique, en examinant de plus près l’épave calcinée, on pouvait apercevoir le marquage Y2-P. « P » pour Peter. C’est l’avion que Roseland a piloté plusieurs fois, mais ce n’est pas le Spitfire préféré de « Rosey ». Cet honneur revenait au Y2-K, l’un des appareils de l’escadron dans lequel il avait effectué le nombre impressionnant de 65 missions depuis que l’escadron a été renommé et mis sur pied en janvier 1944. Le destin du Spitfire Y2-K n’est pas connu et il est possible qu’il y ait eu plusieurs Spitfire individuels portant le code K. Mais voilà que 65 ans plus tard, les bénévoles du Comox Air Force Museum ont élaboré un plan magnifique et audacieux pour célébrer à la fois l’arrivée du millénaire (Y2-K) et leur escadron de l’ARC en résidence, 442 Escadron de transport et sauvetage.

Un mois après la mort de Roseland, l’escadron continua ses missions à partir de terrains d’atterrissage temporaires en France. Voici le Spit de Rosey, Y2-K, qui se fait installer un nouveau moteur par l’équipe sur le terrain le 14 août 1944. Photo : RCAF

Il ne fait aucun doute que le Y2-K était le Spitfire préféré de Roseland. Sur cette page typique de son carnet de vol, on peut voir qu’il l’a piloté 16 fois au cours de cette seule période de deux semaines et demie. En tout, il a effectué 65 sorties aux commandes de Y2-K. Photo : Archives de la famille Roseland

Cette page de son journal de bord s’aligne à celle de la page précédente ci-dessus et décrit en détail les événements de chaque opération. On peut voir que le 14 juin, il a reçu un « Nouveau K » soit peut-être un avion de remplacement. De même, les deux croix gammées dessinées dans la marge le 30 juin, lors de la deuxième de ses trois sorties de la journée, indiquent qu’il a abattu deux avions ennemis. Les commentaires inclus dans son journal de bord sont beaucoup plus détaillés que la plupart des pilotes et montrent un souci particulier pour les autres membres de son escadron. Photo : Archives familiales Roseland

Grâce à un financement initial provenant du fonds du millénaire, l’équipe de restauration a pu acquérir les pièces prélevées d’un ancien Spitfire IX de l’armée de l’air sud-africaine. Il s’agit littéralement d’une caisse de pièces corrodées, tordues et pour la plupart irrécupérables. Toutefois, la pièce la plus importante était la plaque signalétique Supermarine qui, à toutes fins utiles, faisait de ce tas de pièces un véritable Spitfire.

Pour décrire l’importance de la plaque signalétique, nous aimons utiliser la métaphore du « balai de mon grand-père ». La plaque de données nous confirme qu’il s’agit bien de « le balai de mon grand-père » authentique. Cependant, votre grand-père avait donné le balai à votre père et, au cours des années en sa possession, il a cassé et remplacé le manche, puis plus tard vous héritez du balai. Après quelques années, vous remplacez la brosse délabrée. Maintenant, bien que le balai n’ait ni le manche ni le bout fonctionnel qui était là lorsque votre grand-père l’utilisait, vous avez toujours le droit de le revendiquer comme étant le « balai de votre grand-père » authentique. Telle est l’importance de la plaque signalétique. Sans elle, la lignée de son héritage est rompue et votre restauration n’est pas un avion de chasse de la Seconde Guerre mondiale, mais plutôt une « réplique » ou version beaucoup moins prisée d’un avion de chasse de la Seconde Guerre mondiale.

Les membres de l’équipe de Comox ont investi des milliers d’heures de main-d’œuvre à leur propre compte ainsi que leurs propres ressources pour amasser un tas de métal tordu et lui donner une nouvelle vie comme chasseur Spitfire entièrement restauré au marquage Y2-K. Les progrès ont été lents, mais de la plus haute qualité possible, égale à n’importe quelle restauration existante, et tout cela grâce à des bénévoles peu expérimentés. Certains ont même suivi des cours de formation sur les compétences et la technologie nécessaires pour remettre l’avion en état de vol. Ils disposaient d’une réserve inépuisable de savoir-faire, d’énergie, de temps, d’enthousiasme, de connaissances et d’engagement. Tout y était sauf les fonds nécessaires pour poursuivre le travail jusqu’au bout. Ainsi, près de 10 ans après le début du rêve et sans fonds prévisibles à l’horizon, le projet s’est arrêté.

On craignait que le rêve d’un Spitfire du 442e Escadron sillonnant les cieux canadiens ne s’éteigne rapidement et que le travail significatif déjà accompli (un fuselage presque complet) soit emballé et vendu au plus offrant, pour finir tout probablement en Angleterre ou aux États-Unis. Mais en fin de compte, les Ailes d’époque du Canada a élaboré un plan qui réaliserait leur rêve de remettre le Spitfire du 442e Escadron en état de vol.  Ce rêve fournira à tous les Canadiens l’accès à une icône vivante qui enseignera aux générations futures les péripéties des hommes comme Arnold Roseland.

L’ARC, le musée de Comox et Les Ailes d’époque ont conclu un accord qui stipule que les Ailes d’époque du Canada (AEC) acquerra le projet et les travaux réalisés à ce jour pour la somme symbolique d’un dollar. En échange, les AEC garantira un montant estimé à 1,5 million de dollars pour achever le projet. En outre, l’équipe des Ailes d’époque gérera l’achèvement du projet à Comox, en utilisant le même cadre de bénévoles sous la direction d’un responsable des Ailes d’époque qui assurera le progrès du projet. Les ailes et le moteur seront construits en sous-traitance auprès de professionnels en Angleterre et aux États-Unis, mais l’achèvement du fuselage principal et l’assemblage final se poursuivront à Comox. Une fois la restauration terminée, l’avion poursuivra des démonstrations dans la région de Comox pendant une saison de vol, et par la suite à plusieurs endroits au Canada. Finalement, il se retrouvera à proximité des pilotes ayant une expérience du Spitfire, dans les installations des Ailes d’époque près d’Ottawa. Il y rejoindra notre Mustang du 442e Escadron Y2-C, ainsi que le ÙCorsair -Hampton Gray Corsair, le Hurricane -Willie McKnight,  le Kittyhawk - Edwards Kittyhawk, le Spitfire -William Harper, le Swordfish --John Moffat/Terry Goddard,  le Lsander --Jack Spence Lysander et le Harvard « Haut vol » --John Gillespie Magee .

Un bel appareil comme le Spitfire, dont l’âme est celle d’un combattant, mérite un nom prestigieux, un nom qui évoque le souvenir et les grands sacrifices. Maintenant et pour toujours, le Spitfire Y2-K deviendra pour Les Ailes d’époque du Canada le Spitfire Roseland, en l’honneur du courageux Canadien qui a donné sa vie pour un seul Dieu, un seul roi et un seul cœur. Il saura enseigner à tous les Canadiens l’histoire remarquable de ce héros. Roseland est celui qui partage le même cœur que celui de son appareil, dont l’âme habite à l’intérieur de sa peau métallique. Arnold Roseland et les hommes du 442 s’inscrivent dans l’histoire que nous enseignerons à nos enfants.

Par Dave O'Malley


Ronald Roseland, le deuxième fils d’Arnold, n’a jamais pu connaître son père, mais les libertés acquises par ses actions altruistes ont permis à Ronald de grandir dans un environnement sûr et robuste. C’est ce cadeau qu’il a fait à son fils. Ici, le jeune Ron se laisse dorloter par la belle Audrey dont la photo a été retrouvée sur le site de l’accident d’Arnold. Photo : Archives familiales Roseland

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