Le courage et la croisée des chemins

(Article paru en 2015)

Avec le 75ième anniversaire de la Bataille d’Angleterre qui approchait, il était important d’honorer ceux qui avaient tant donné. Il y a à Calgary, une intersection de deux routes qui nous rappellent à chaque jour les sacrifices de deux Albertains qui ont aidé à freiner l’avance allemande sur les côtes de France. Malheureusement, peu connaisse leurs histoires.  Voici celles de Douglas Bader, William McKnight et Noel Barlow, trois hommes déterminés.

Les habitants de Calgary sont comme la plupart des autres citoyens des grandes villes nord-américaines. Ils vivent leur quotidien comme des insulaires, un café Starbucks d’une main, préparé à leur convenance, tout en écoutant leur choix de musique avec leurs écouteurs, sans regarder les autres, et en pitonnant leurs «appareils personnels» pour commenter sur les médias sociaux. Leur espace personnel ne fait pas toujours bon ménage avec le monde qui les entoure.

Ce phénomène n’est pas isolé seulement à Calgary mais est devenu une épidémie mondiale de centralisation sur sa personne. Nous sommes dans un monde de cyberdépendance dans lequel les gens préfèrent interagir avec leur ordinateur au lieu de lever la tête et parler aux gens autour d’eux, ou même regarder, écouter et s’engager auprès de la communauté. Trop souvent, on utilise ces appareils personnels pour bloquer le monde autour de nous.

Il fut un temps où les gens de Calgary marchaient la tête haute. Ces gens et les autres des petites villes des prairies ne se sentaient pas isolés, mais ils avaient le sentiment d’appartenance à une plus grande communauté d’hommes et de femmes. Les gens des petites communautés des prairies étaient intéressés par ce qu’il se passait de l’autre côté du monde et les jeunes hommes, voyant les dangers de guerre à l’horizon avaient décidé d’y faire face. On célébrait l’individualisme s’il servait le bien commun.  De nos jours, l’accent est sur le soi, sur des choix qui nous sont profitables, ou qui contribuent à nos objectifs personnels, succès en amour et en affaires, tout en améliorant nos vies.

Il y a une intersection à l’est de la ville au sud de l’aéroport ou les gens dans toutes sortes de véhicules s’arrêtent aux feux de signalisation chaque jour. Les froids de l’hiver et la chaleur de l’été les gardent bien confortables dans leurs véhicules. Les gens circulent sans porter une attention particulière aux panneaux routiers verts et blancs montés sur des pylônes d’acier. Sur ces panneaux, on y voit McKnight Boulevard et sur l’autre Barlow Trail.

Dans le centre-ville, les citoyens utilisent le train léger « C-train » qui les transporte avec leurs biens personnels, de l’est à l’ouest et au sud de la ville. Dans le train, on remarque seulement que le prochain arrêt est à la station McKnight. Pour tous ces gens il ne s’agit que d’une station comme une autre. McKnight est aussi une sortie pour l’autoroute No.2, un accès à l’aéroport ou simplement le nom d’une rue. Il est honteux qu’on ne connaisse pas la provenance de ce nom.

Le système de transport en commun de Calgary (le C-train) rejoint l’est, le sud et une partie de l’ouest de Calgary. Certains wagons portent le nom de McKnight et suivent un trajet et un horaire serrés. Les hommes et femmes d’affaires utilisent ce moyen de transport chaque jour mais combien d’entre eux ont une pensée pour ce valeureux as pilote mieux connu comme Willie, qui a connu une fin tragique.

L’ère moderne est marquée par un développement urbain qui s’amplifie et qui fait la vie dure aux fermes et aux petits villages. On y retrouve des noms de rue prétentieux et sans rattachement historique qui ne veulent rien dire sauf pour les gens superficiels, des personnes sans imagination et sans égard au passé ou à l’histoire. On retrouve de tels exemples de noms dans un secteur de la ville d’Ottawa :  : Shadow Ridge Drive, Evening Shadow Avenue, Blossom Trail Drive, Dawn Tara Drive, Rockrose Way, Willowmere Way, Gracewood Crescent, Bufflehead Way, Meadowlily Drive, Flat Sledge Crescent, Mocha Private, Purple Finch Crescent, Antique Court. On peut en rire ou même en pleurer! 

Il y a plus de 75 ans, un jeune home de Calgary pour qui on a nommé le McKnight Boulevard, un certain William Lidstone McKnight, combattait pour le sort de l’Europe dans le ciel de l’Angleterre et de la France. Il combattait avec son commandant d’escadrille, le légendaire pilote sans jambes, Douglas Bader. Chaque soir, ces deux pilotes tentaient de se reposer, de festoyer et de dormir pour se préparer pour les prochaines journées épuisantes de combats inévitables. En même temps, les équipes d’entretien au sol de la fameuse escadrille canadienne 242 travaillaient jour et nuit pour ravitailler, réparer et réarmer les Hawker Hurricane de l’escadrille.  Le mécanicien assidu attitré à Douglas Bader était un autre Albertain, Noel Barlow. Ce dernier a survécu, McKnight est décédé. Bader, un Anglais, a joué un rôle déterminant dans l’association des deux noms McKnight et Barlow que l’on peut voir à l’intersection de deux rues principales de la ville florissante de Calgary.

Le Capitaine Sir Douglas Robert Steuart Bader, CBE, DSO, and Bar, DFC and Bar.

L’histoire de cet homme est bien connue dans le monde de l’aviation. Ce pilote qui avait perdu ses jambes à la suite d’un accident d’avion, avait surmonté son handicap à l’époque où on marginalisait les personnes handicapées, pour finalement devenir un redoutable pilote de chasse. En tant que prisonnier de guerre, il avait causé d’innombrables problèmes aux Allemands durant son incarcération. Après la guerre, il est devenu une légende vivante (livres et films). Même s’il jouissait d’une grande réputation, Bader était très loyal envers les hommes avec lesquels il a combattus. Il a joué un rôle de premier plan à la commémoration de deux hommes qui avaient servi avec lui lors de la Bataille d’Angleterre : Willie McKnight et Noel Barlow.  Malheureusement, peu le save.

(Du site web de la Royal Air Force Museum)

(Traduction libre)

Douglas Bader est né le 19 février 1910 à St-John’s Wood à Londres. Il a passé une partie de sa jeunesse en Inde avant de retourner en Angleterre. À l’âge de 11 ans, Bader voulait se joindre à la Royal Air Force alors que son oncle était un adjudant au collège Cranwell de la Royal Air Force.

Il a gradué de Cranwell en 1930 après avoir obtenu une bourse. Il était un grand sportif et il représentait souvent le collège pour les compétitions de rugby, de tir, de hockey, d’athlétisme, de boxe et de cricket. Le journal du collège rapporte que lors d’un match de boxe, Bader en utilisant son style « rapide et direct », s’est rué vers son adversaire et l’a envoyé au tapis avec deux directes de la droite. Il avait pris le même temps lors d’un combat l’année précédente selon le journal, « il est considéré comme un adversaire redoutable ».

Après Cranwell, Bader fut assigné au 23e Escadron à Kenley pour piloter des Gloster Gamecok. Il est devenu un excellent pilote acrobatique et en 1931, il démontra ses prouesses lors du spectacle aérien de Hendon.

Toutefois, le 14 décembre, Bader s’est écrasé en pilotant un Bristol Bulldog à l’aérodrome de Woodley près de Reading. Il a subi de graves blessures et on lui amputa une jambe le jour même et l’autre quelques jours plus tard.

Six mois plus tard, il a réussi à marcher sans aide et avec des prothèses mais voulait continuer à piloter. Un comité médical a toutefois décidé qu’il ne pouvait plus piloter même s’il avait réussi à rencontrer les exigences de la RAF. Il quitta la RAF en 1933 pour travailler pour la division aéronautique de la Asian Petroleum Company qui a fait plus tard partie de la pétrolière Shell.

La perte de ces jambes a été un dur coup pour ce grand sportif. Néanmoins, il est devenu adepte du golf atteignant un niveau élevé de compétence.  Il a maintenu l’amour de ce sport pour le restant de sa vie.

Reconnaissant à l’été 1939 que la guerre était inévitable, Bader a repris son service avec la RAF ayant réussi les tests de pilotage du Central Flying School. Il a suivi un cours de perfectionnement pour ensuite se joindre au 19e Escadron à l’aérodrome de Duxford.  Il pilotait des Spitfire lors de patrouilles de convois sans toutefois participer à de combats aériens. Il fut affecté au 222e Escadron basé à Duxford et en juin 1940, il a combattu au-dessus de Dunkerque. On l’a promu commandant d’escadron le 24 juin et il prit ainsi le commandement du 242e Escadron (Tout canadien) à Coltishall.

Le 242 avait subi plusieurs pertes durant la Bataille de France et le morale était à son plus bas. Bader s’est mis à la tâche de rebâtir l’escadron en peaufinant le pilotage de ses coéquipiers, et en développant la confiance et l’esprit d’équipe. Le 30 août fut un jour de premier succès pour l’escadron lorsqu’ils ont abattu 12 avions ennemis, dont deux par Bader.  La Bataille d’Angleterre progressait et Bader est devenu responsable de la Duxford Wing regroupant plusieurs escadrons dont le 242. A la fin de 1940, le 242 avait réussi à descendre 67 ennemis mais avait perdu 5 pilotes.

Bader a quitté le 242 en mars 1941 pour être promu commandant d’escadre. Il prit le commandement des escadrons de l’aérodrome de Tangmere.La RAF a commencé des raids de jour sur l’Europe avec des bombardiers escortés par des chasseurs. Ces derniers avaient comme objectif d’attirer les avions allemands pour les attaquer. Bader avait descendu sa vingtième victime (avec deux « probables »). Lors d’un combat aérien le 8 août, il a dû sauter de son Spitfire et il a écrit dans son carnet de bord : « descendu un Me-109 F et collision avec un autre. Prisonnier de guerre ». Les opinions varient pour cette affaire et une enquête récente semble plutôt indiquer qu’il aurait été victime d’un « tir ami » (Friendly fire).

Bader était un champion pour ses hommes, et même après la guerre. Il a relaté ses efforts pour faire nommer une rue à Calgary en mémoire de McKnight dans sa biographie “Reach for the sky”:

A ce moment de la guerre, un jeune canadien de Calgary du nom de Willie McKnight a grandement contribué au succès de du 242e Escadron.  Il a descendu un Me-109 au-dessus de Dunkerque lors de sa première journée de combat et par la suite en a descendu deux autres, en plus d’un Dornier 17 le 29 mai. Deux jours plus, tard, il a descendu deux Me-110. Son score personnel était d’environ 16 et demi au moment de la fin de la Bataille d’Angleterre. Lors d’une mission d’attaque à basse altitude au-dessus de la France en janvier 1941, McKnight fut attaqué par 6 ME-109 et il a perdu la vie.

Après la guerre, j’ai pu visiter Calgary, la ville natale de Willie MckNight. Au cours d’un discours aux membres de la Chambre de commerce, j’ai suggéré au maire et aux citoyens présents de nommer des rues et même l’aéroport de Calgary en construction en mémoire des pilotes canadiens de la Deuxième guerre.J’ai pu revenir souvent à Calgary durant les années 1950 et 1960 et il y a un chemin menant à l’aéroport qui porte le nom de McKnight Boulevard. J’ai aussi dévoilé une plaque en l’honneur de Willie McKnight dans le hall des passagers de l’aéroport de Calgary. Un bel hommage à un Canadien décédé à l’âge de 21 ans. (Extrait du livre de Bader « Reach for the sky »).

Bader avait réussi à convaincre les officiels de la ville de nommer une rue en mémoire de son « wingman » et en octobre 1969, la route menant à l’aéroport de Calgary portait le nom de McKnight Boulevard. L’historienne Danielle Metcalf-Chenail a écrit de façon éloquente :« L’as canadien qui n’a pas de tombe a maintient un mémorial vivant ». .”Ssource : Words on the Street, Homes and Living Calgary, April/May 2013

Bader a aussi réussi à convaincre la ville de nommer une autre rue en l’honneur de son mécanicien du temps de la Bataille d’Angleterre, le caporal Noel Holland Barlow. Lors de sa visite à Calgary en 1955, il fut accueilli à l’aéroport par nul autre que Barlow. Le quotidien Lethbridge Alberta Herald rapportait :

L’as sans jambe arrive pour une visite à Calgary. Douglas Bader, pilote de guerre sans jambes, fatigué mais souriant, est descendu de l’avion TCA à Calgary pour être accueilli par un groupe d’admirateurs. Tout en respirant l’air doux de fin de journée, il s’est exclamé : « Ceci est pour moi, qui n’aimerait pas ce genre de météo ». Il arrivait d’un grand froid de l’est du pays pour sa première visite à Calgary. Cet homme qui a dirigé le fameux 242e Escadron, a été accueilli par des représentants de la Shell Oil, pour qui il travaille à Londres comme expert en aviation. Il a aussi rencontré deux anciens pilotes de son escadron canadien, Noel Barlow, natif de Calgary, et Fred Bentley, qui est venu dans l’ouest canadien après la guerre. Bader leur a dit : « C’est le moment le plus heureux de mon voyage ». Il quittera pour Vancouver mardi.

Photo de Bader assis sur le Hurricane LE-D du 242e Escadron. Photo: Imperial War Museum

Le colonel d’aviation Douglas Bader balance sa prothèse pour embarquer dans un Spitfire. C’était à la fin de la guerre, quand il avait été promu à ce rang en 1946. Photo: RAF

Lieutenant d’aviation William Lidstone Mcknight—Croix distinguée de l’aviation avec barrette.

William «Willie» McKnight est né à Edmonton en Alberta en 1918 une semaine avant la fin de la Première Guerre mondiale. Il a déménagé à Calgary avec sa famille peu de temps après. Willie était une personne turbulente, un peu rebelle mais brillante. C’était un excellent étudiant au secondaire, sportif, mais reconnu comme trouble-fête. Par exemple, il a accidenté l’auto de son père en tentant d’impressionner une fille. Ses résultats scolaires lui ont permis d’être accepté à la faculté de médecine de l’université de l’Alberta mais il a fait face à l’expulsion du programme compte tenu de son comportement et de son arrogance. Sa relation avec son amie de cœur a mal tourné et comme tout jeune homme qui voulait oublier en allant se joindre à la Légion française étrangère, il décida de s’enrôler dans la Royal Air Force en Angleterre pour suivre un entrainement comme pilote.

Il a obtenu une affectation de courte durée (Short service commission) comme sous-lieutenant d’aviation par intérim ainsi que son brevet de pilote à la mi-avril 1939, ayant complété sa formation à la No 6 Service Flying Training School située à Little Rissington, Cheltenham. Il fut promu sous-lieutenant d’aviation en permanence un an plus tard. Son tempérament fougueux albertain lui a toutefois causé plusieurs ennuis. Il fut mis sous arrêt et confiné aux casernes à deux occasions dont une pour « inciter une émeute ». On ne peut que deviner ce qu’il s’est réellement passé. Néanmoins, ses instructeurs, ignorant ses manigances, ont reconnu son potentiel et l’ont gradué comme pilote. McKnight avait une personnalité dichotomique. D’une part, il avait son côté rebelle mais il était aussi très loyal. Il s’éloigna d’une détresse émotionnelle au Canada mais s’est dirigé vers le danger et le stress opérationnel de combat. D’apparence timide et réticente, il était un guerrier féroce et un chef de file autant dans les airs qu’au sol.

McKnight fut assigné au 242e Escadron en novembre 1939. Au début, il pilotait des Fairy Battles et des bimoteurs Bristol Blenheims, des modèles considérés désuets. L’Escadron « canadien » 242 de la Royal Air Force reformée en octobre 1939, était un ancien Escadron de patrouille maritime datant de la Première guerre mondiale.  Le 242 fut choisi par la Royal Air Force (RAF) pour être l’unité désignée comme « canadienne » composée entièrement de canadiens au service de la RAF dont la plupart y était déjà. L’objectif de cette désignation était d’augmenter le moral au Canada et de démontrer notre engagement à combattre à la guerre. Ce fut une mesure de relations publiques qui a connu beaucoup de succès car la population canadienne a suivi de plus près les exploits de ses aviateurs. 

En mai 1940, lors de la Bataille de France, le 242e Escadron qui était maintenant équipé avec les nouveaux chasseurs Hurricane, a envoyé quelques pilotes dont McKnight pour soutenir des escadrons du corps expéditionnaire britannique. Il fut temporairement assigné au 607 «County of Durham » et ensuite au 615 « City of Surrey ». Dès ses premiers jours en France, plus exactement le 19 mai, McKnight a enregistré la première de ses 17 victoires sur la Luftwaffe. À ce moment là, les évènements se déroulèrent rapidement en France et les autres pilotes du 242 furent rappelés en Angleterre. Le 26 mai, McKnight rejoignait le 242 à l’aérodrome de Biggin Hill. On pilotait tous les jours de Biggin Hill à l’aérodrome de Manston et ensuite vers la France pour combattre les Allemands qui tentaient de détruire le corps expéditionnaire britannique à Dunkerque.

Au cours de l’évacuation de Dunkerque «Operation Dynamo », McKnight  continuait à cumuler les victoires dont sa sixième et c’est le 7 juin qu’il est devenu double « as » avec dix victoires. Grâce à ses prouesses aériennes et à son courage face à l’ennemi, il lui fut  décerné au début de juin 1940 la Croix de service distingué dans l’aviation, « Distinguished Flying Cross--DFC ». La citation pour cette médaille se lisait :

Lors d’une patrouille en mai, cet officier a descendu un Messerschmitt 109 et le jour suivant avec son escadrille, il en a descendu trois autres. La dernière victoire a été le résultat d’une longue chasse au-dessus de territoire ennemi. Lors de son retour, il fit plusieurs victimes en utilisant le reste de ses munitions pour attaquer en rase-mottes un chemin de fer alors que l’ennemi transportait de lourds canons vers le front. McKnight a démontré ses compétences exceptionnelles et son courage comme pilote de chasse. (Source : l’excellent livre: No 242 Squadron the Canadian Years par l’auteur Hugh Halliday).

On s’attendait à une période de repos, mais l’ensemble du 242e Escadron, y compris le personnel au sol (« ground crew ») est retourné en France le 8 juin pour soutenir le Corps expéditionnaire britannique qui combattait encore au sud de de la Seine. À ce moment là, la situation en France était désespérée et le 242 avait le mandat de patrouiller les autres évacuations dans le cadre des opérations «Cycle and Aerial ». L’escadron a dû se relocaliser à plusieurs reprises dont 3 fois en 6 jours, compte tenu du fait que le front changeait de place chaque jour. Durant cette période, les pilotes étant séparés des équipes au sol, ce sont eux qui devaient ravitailler, réarmer et assurer l’entretien de leurs propres avions. Selon certaines rumeurs, McKnight aurait réquisitionné une voiture de luxe pour maintenir une relation amoureuse avec une jeune parisienne. Il aura tenté par la suite de l’amener secrètement en Angleterre à bord d’un avion de transport.

Des avions du 242e Escadron en vol lors de la Bataille d’Angleterre. Photo : Imperial War Museum

Son sens d’humour et ses connaissances médicales ont été mis à profit par McKnight sur le fuselage de son Hurricane LE-A qui dénote un squelette souriant de la « faucheuse » qui pointe sa faucille vers l’ennemi pour le faucher. L’image apparait sur les deux côtés du fuselage. Photo: RAF

Les derniers pilotes du 242 sont retournés en Angleterre le 18 juin. Les nombreuses missions et leurs rythmes endiablés ont conduit McKnight à l’hôpital, il souffrait d’épuisement, de perte de poids et de maladies reliées au stress. L’escadron avait aussi perdu 11 pilotes, morts, blessés ou capturés durant la bataille de France. À son retour en Angleterre, il fit face à un nouveau commandant d’aviation par intérim, Douglas Bader. Ce dernier apporta un nouveau style de leadership qui au début ne faisait pas l’affaire de tout le monde. Toutefois, le style de Bader a réussi à gagner la confiance de l’escadron.  Bader était un fin juge du talent de ses pilotes, il utilisait McKnight comme ailier « wingman » et par conséquent, son nombre de victoires s‘est ainsi accru.  McKnight, Bader let les autres pilotes du 242 ont combattu de façon tenace au cours des trois mois suivants et McKnight cumulait les victoires et devint un triple « as » vers la fin de la Bataille d’Angleterre.

McKnight a écrit une lettre à un ami durant la bataille d’Angleterre, démontrant une philosophie un peu fataliste :

26 août 1940

Cher Mike, il y a beaucoup de plaisir à combattre contre un bombardier car c’est comme piger une pomme dans un pommier. Toutefois, un chasseur est toute une autre histoire car on doit bouger vif comme l’éclair. Un combat aérien est une drôle de situation. Au début, tu es nerveux et apeuré avant même de voir le boche. Mais dès que l’action commence, tu es trop occupé pour avoir peur ou être inquiet.

Nous avons fait face à des raids à 60 contre 300 ou à 12 contre 150-200.  Soit que nous ayons descendu leurs meilleurs pilotes et qu’ils utilisent leurs plus jeunes ou soit qu’ils ont perdu leur culot. Ils n’ont plus le même cran et à quelques exceptions, ils évitent le combat. Il ne reste que 5 des 22 pilotes originaux de l’escadron et ceux qui restent ne sont plus les mêmes mecs qu’avant. La guerre nous vieillit, on est plus calme et ça change beaucoup notre point de vue de la vie.

Il y a quelques jours j’ai franchit 700 heures de vol et on tient à m’offrir de revenir au pays comme instructeur, Mais les vieillies raisons de rester m’y retiennent et je vais probablement rester jusqu’à la fin ou jusqu’à l’autre fin. Je suis tellement habitué aux sensations fortes, et comment l’exprimer, le sentiment de la victoire, que je me sentirais perdu et las en vivant tranquillement de nouveau.

Je dois te laisser avant que je ne devienne trop sentimental ou nostalgique. Écris-moi bientôt, ton ami Bill.

En octobre, le quotidien London Gazette rapportait qu’on avait décerné à McKnight une deuxième Croix de service distingué dans l’Aviation avec barrette (« DFC with Bar »). La citation :

Cet officier a détruit six avions ennemis au cours des treize dernières semaines. Il est un chef d’escadrille efficace et a prouvé qu’il était un combattant courageux et tenace. (Source—242 Squadron—The Canadian Years par l’auteur Hugh Halliday.)

Avec la fin des batailles de France et d’Angleterre, le nombre de cibles a décru et le rythme de victoires de McKnight s’est ralenti, 17 avions descendus, deux de partagés et trois non confirmés. Il fut promu lieutenant d’aviation. On l’a célébré en Angleterre et aussi au Canada, en particulier à Calgary qui était fier de leur fils natif. Toutefois, le destin rattrape souvent des pilotes comme McKnight qui mène une carrière à toute épreuve. Le 12 janvier 1941, lui et un autre pilote du nom de M.K. Brown ont attaqué un torpilleur allemand de type « E» ainsi qu’un attroupement ennemi près de Gravelines au nord de la France. Brown aperçut un Messerschmitt 109. En tournant vers la droite, il l’avait perdu de vue ainsi que l’avion de McKnight. McKnight avait soudainement disparu, il n’avait que 22 ans.

La même journée, on notait la perte d’un autre pilote canadien, le lieutenant John Latta de Victoria, Colombie-Britannique. L’auteur Hugh Halliday notait dans son livre 242 Squadron—The Canadian years :

Le lieutenant Willie McKnight à bord de son avion P2961 n’est pas revenu. Il est mort, victime de tir anti-aérien ou d’un BF-109. Membre original de l’escadron 242, il était le pilote canadien le plus remarquable, ayant descendu au moins 16 ennemis (et possiblement dix-huit) et méritant deux fois la Croix de service distingué dans l’Aviation. Sa perte a causé beaucoup de tristesse au sein du 242 et a fait les manchettes des quotidiens de Calgary deux jours plus tard. L’escadron a subi des pertes similaires auparavant mais la journée du 12 janvier 1941 sera une des journées les plus sombres de son histoire.

L’aérodrome de Duxford est aujourd’hui le site du Imperial War Museum où siège l’une des meilleures organisations de restauration d‘avions d’époque ainsi que l’un des meilleurs sites de spectacles aériens d’avions d’époque : Les légendes volantes de Duxford.  Lors de la Deuxième Guerre et durant la Bataille d’Angleterre, le 242 opérait de Duxford. Trois de ces pilotes légendaires sont sur la photo : de gauche à droite McKnight, Bader et Ball.  Les trois portent leurs uniformes et chaussent les mêmes bottes reflétées sur le fuselage des Hurricanes qui portent un coup de pied au derrière d’Hitler. Bader chausse des souliers car il n’avait pas besoin de bottes compte tenu de ses prothèses. Les trois pilotes portent leurs décorations, McKnight et Ball la Croix de service distingué dans l’Aviation et Bader l’Ordre de service distingué. Photo : Imperial War Museum.

La perte du rebelle au cœur sauvage McKnight fut un dur coup pour le 242 et pour le pays.  Toutefois, on se souviendra de lui depuis ce jour fatal à Gravelines il y a plus de 70 ans. Même s’il n’a pas de tombe, son nom fait partie de l’histoire de l’aviation canadienne, comme l’un des plus grands pilotes de chasse de tous les temps. Aux Ailes d’époque du Canada, on a restauré un Hawker Hurricane Mk XII qui est dédié à McKnight et qui porte le lettrage LE-A, un avion de l’Escadron 242. L’appareil porte aussi le sigle personnel de la « faucheuse » de McKnight, soit un squelette portant une faucille.

Les citoyens de Calgary utilisent quotidiennement le boulevard McKnight et les voitures sillonnent ce chemin par milliers. A chaque intersection, on peut voir un panneau routieraffichant le « McKnight Boulevard» et les chauffeurs de voitures entendent leurs « GPS » annonçant de « tourner à gauche sur McKnight Boulevard dans 100 mètres ».Il est dommage que ces gens ne connaissent pas l’histoire de ce jeune homme qui a donné sa vie au combat il y a plus de soixante-dix ans.

Deux des plus grands portraitistes de la Seconde Guerre mondiale étaient Eric Henri Kennington (un fantassin pendant la Première Guerre mondiale) et Cuthbert Julian Orde (un observateur du Royal Flying Corps pendant la Première Guerre mondiale). Kennington a dessiné à la fois Bader et McKnight, mais il a choisi de mettre le portrait de McKnight sur son livre de 1942, Drawing the R.A.F. (à gauche). Cuthbert Orde a publié un portrait du commandant d’aviation Douglas Bader (à droite) dans son recueil de portraits Pilotes du Fighter Command - 64 Portraits de Cuthbert Orde – un album de portraits de pilotes de la bataille d’Angleterre. Images: Wikipédia

Lieutenant d’aviation Noel Holland Barlow, RAF et ARC

Noel Barlow est né à Denbeigh, au Pays de Galles, en décembre 1912. Son père a été tué pendant la Première Guerre mondiale et sa mère s’est remariée après la guerre. La famille, y compris son frère Eric, a émigré du Pays de Galles au Canada, pour finalement, en 1932, posséder et exploiter une ferme près de la petite ville de Carseland, à environ 30 kilomètres au sud-est de Calgary. Comme beaucoup de jeunes hommes et de jeunes femmes de l’entre-deux-guerres, il est devenu amoureux de l’aviation. Travaillant fort dans l’industrie minière (il a travaillé aux mines Bear Lake et Giant Yellowknife) et économisant avec diligence, il a finalement accumulé assez d’argent pour payer sa formation de pilote au Calgary Flying Club, obtenant son certificat de pilote privé canadien (no 2225) en 1937, puis à la fin de l’année, son certificat limité de pilote professionnel (no. C-1464).

Plus que tout, Barlow voulait piloter des avions de chasse de la Royal Air Force qui recrutait dans les colonies. Mais il devait d’abord économiser à nouveau, cette fois pour un billet de paquebot aller simple vers l’Angleterre. Une fois arrivé dans un bureau de recrutement de la RAF en Grande-Bretagne, il a été dévasté d’apprendre qu’à l’âge de 26 ans, il était considéré comme trop vieux pour une formation de pilote militaire bien qu’il ait déjà une licence. Là il s’est retrouvé bel et bien entre « l’arbre et l’écorce », car il était à 6 000 miles de la ferme familiale et sans argent pour vivre. Face à un sombre avenir à court terme, il « n’avait pas d’autre choix que de rejoindre la RAF en tant qu’équipage au sol ».

Noel Barlow et Willie McKnight se sont tous deux rendus à Liverpool, en Angleterre, à bord du même navire, le CPS Montclare, l’un des navires à vapeur du Canadien Pacifique. McKnight l’a pris en janvier 1939, tandis que Barlow en décembre 1937.

Donc, s’il devait être membre de l’équipe au sol (un « erk /fitter» ou un « mécano » de moteur dans le langage de la RAF à ce moment-là). Il allait être le meilleur qu’il pouvait être. À l’approche de la guerre, il savait que ses services seraient très importants et il s’est efforcé de devenir un expert sur le sujet du moteur Rolls-Royce Merlin. Peu après le début de la Seconde Guerre mondiale, il a appris que la RAF était à la recherche de Canadiens pour se joindre au 242e Escadron « canadien » nouvellement formé, réunissant à la fois pilotes et équipes au sol. Il s’est inscrit et a été accepté immédiatement. Au cours de la Bataille de France, il a fait partie de l’équipe au sol qui est allée soutenir les pilotes du 242e Escadron opérant à partir de la région au sud de la Seine, et en tant que tel, il a été forcé de se déplacer deux fois en retrait à cause de l’avancée rapide allemande.

Barlow et d’autres mécanos du 242 en France ont finalement été évacués vers l’Angleterre pour rejoindre l’escadron sous la nouvelle direction du commandant d’aviation alors par intérim Douglas Bader, le légendaire pilote de chasse charismatique, habile, et… sans jambes. Bader était un commandant inspirant, toujours en première ligne, toujours dans la mêlée avec ses hommes. Ses pilotes de chasse l’aimaient et ses équipes au sol lui étaient dévouées. Il a choisi Noel Barlow comme mécano personnel, responsable, entre autres, de l’état du Hawker Hurricane-LE-D personnel de Bader (pendant la Bataille d’Angleterre, Bader était connu pour avoir trois machines personnelles: P3061, un numéro de série inconnu et V7467, tous codés LE-D). Tout au long de la Bataille d’Angleterre, Barlow a travaillé sans relâche pour maintenir l’escadron opérationnel et pour entretenir la machine de Bader. Un lien solide et durable a été établi entre les deux combattants, basé sur le respect mutuel, les plus hauts niveaux de performance et leurs expériences partagées. Après la Bataille d’Angleterre, Bader et Barlow sont restés en contact alors que le 242e Escadron effectuait des opérations à travers la Manche. Les superbes compétences en leadership de Bader et sa capacité à inspirer ses hommes l’ont naturellement conduit à une promotion au grade de commandant d’escadre à la RAF à Tangmere , les escadrons 145, 610 et 616 constituant son escadre.

Peu de temps après que Barlow ait rejoint la RAF, la limite d’âge pour les apprentis pilotes avait été augmentée, mais il est resté au 242 comme mécanicien jusqu’au départ de Bader quittant pour diriger la nouvelle escadre. Après dix-huit mois, malgré une promotion promise au grade de sergent, Barlow a ensuite demandé un transfert pour se former comme pilote avec la recommandation de Bader. Sa demande a été accordée et il s’est rapidement retrouvé un humble aviateur-chef traversant l’océan Atlantique, à destination de l’école de pilotage britannique n ° 3 à Miami, Oklahoma. Les Britanniques, avec la coopération du gouvernement américain et de l’entreprise privée, avaient mis en place six écoles de formation au pilotage pour les élèves-pilotes de la RAF, dont deux en Oklahoma. Alors que Barlow était dans l’Oklahoma, Bader fut abattu le 9 août 1941 et fait prisonnier. Son ancien mécanicien eût l’inspiration d’écrire un hommage intitulé « My ideal » pour une publication au N ° 3 BFTS:

« Ayant par le passé été membre de l’un des escadrons de chasse les plus célèbres de Grande-Bretagne pendant une période de dix-huit mois en tant que mécanicien, c’est avec fierté et un sentiment d’honneur que j’ai accepté une demande d’écrire quelques mots d’éloges en l’honneur de mon ancien commandant d’escadre, le commandant Bader,  D.S.O, D.F.C. et barrette, le célèbre pilote sans jambes. Tout d’abord, je voudrais faire comprendre à tous ceux qui lisent ces quelques lignes qu’il est, devrais-je dire, mon héros car, bien qu’un enfant puisse avoir un héros, la même chose, je pense, pourrait facilement s’appliquer à un homme adulte. Pendant les jours sombres de la chute de la France et de l’épisode héroïque de Dunkerque, notre escadron, alors dirigé par un commandant canadien [chef d’escadron Fowler Gobeil], a combattu en France avant et après Dunkerque et à notre retour en Angleterre, nous avons été envoyés dans un endroit calme pour récupérer des combats vécus en France. À la déception de tous, en particulier des nombreux Canadiens de l’escadron, le commandant a été transféré de façon urgente au Canada. Donc, pendant un court moment, en tant qu’escadron, nous avons senti que nous étions oubliés par le Air Ministry. Cependant, nous, les hommes au sol, avions beaucoup à faire, de nouvelles ailes à changer, des canons pour réarmer, des moteurs à tester, etc., se préparant pour la célèbre Bataille d’Angleterre.

Une rumeur a commencé à circuler qu’un nouveau commandant arrivait, mais il ne semblait pas être le type d’homme pour qui nous avions espéré. Du moins, c’est ce que la plupart d’entre nous pensaient quand nous avons appris qu’il n’avait plus de jambes. C’est un matin, alors que je venais de terminer une vérification d’une inspection de trente heures, qu’une voiture basse s’est arrêtée presque devant la machine d’où je descendais. Le moteur de la voiture a été coupé et un chef d’escadron en est sorti. En tant que mécanicien et curieux de nature, j’ai trouvé une excuse pour passer près de cette voiture avec le résultat qu’on m’a demandé d’amener le chef d’escadron au bureau de l’ingénieur en chef, ce que j’ai fait. J’ai remarqué qu’il boitait, mais il ne me paraissait pas comme un homme sans jambes.

C’est alors que dans tout l’escadron, et dans chacun d’entre nous s’est développée une admiration pour un grand leader. Tout au long des jours suivants, éprouvants mais triomphants, tout le monde a fait de son mieux pour lui plaire, qu’ils soient un pilote, un mécanicien, ou quoi que ce soit d’autre, il nous a inspirés avec sa détermination sinistre à briser tous les Boches qui se retrouvaient sur son chemin.

Presque du jour au lendemain, l’attitude de notre escadron est passée de l’insouciance à la conviction sérieuse. Nos victoires augmentaient chaque jour, et notre chef était toujours en tête, poussant l’escadron à prendre des risques, Mais le commandant appréciait les plus grands des risques, et c’est pour ça qu’on l’adorait. Permettez-moi d’ajouter que, pour suivre son énergie sans bornes, notre travail devait être effectué jour et nuit, mais cela ne nous dérangeait pas car les résultats et les efforts pour lesquels nous travaillions étaient toujours doublement compensés. Avec notre commandant le travail venait en premier, puis, si le temps le permettait, le sport et l’amusement pour tous. Son système a fonctionné très bien pour notre escadron. C’est en reconnaissance de son excellent travail au 242e Escadron qu’il a reçu la D.F.C. et le D.S.O.

Mais un nuage sombre est descendu sur nous un jour. On a appris que notre commandant devait nous quitter pour devenir commandant d’escadre, alors notre vie quotidienne fut chambardée par le départ d’un homme que nous adorions tous. Il était gentil avec tous, courageux, intrépide et plein d’énergie sans fin que nous admirions toujours. Son esprit prévaut encore parmi ses anciens disciples et bien qu’il soit entre les mains de l’ennemi, essayons, en tant que futurs dirigeants de demain, de poursuivre ce qu’il nous a laissé pour finir avec le même esprit que le Boche ne peut pas comprendre et ne brisera jamais.

L’école de Miami, Oklahoma était gérée par la Spartan School of Aeronautics. Mais bien que civile, la discipline de la RAF y était présente. Barlow a réussi sa formation et, avec ses camarades de classe, a assisté à sa remise de brevet de pilote. Mais tout ne s’est pas bien passé. Noel Barlow a expliqué ce qui lui est arrivé à l’historien Clarence Simonsen, expert en Nose Art, dans une entrevue pour une composition que Simonsen avait faite sur l’emblème du 242e Escadron:

« Quand il est arrivé à Miami, Oklahoma, Noel, à 30 ans, avait au moins dix ans de plus que tous les autres apprentis pilotes. Il a expliqué qu’il était considéré comme  le vieil homme, ayant déjà vécu environ dix-huit mois de guerre, cela depuis le tout début en France, puis avec la Bataille d’Angleterre. Mais il pilotait déjà depuis 1936. C’était un vétéran, un peu arrogant, et pendant sa formation il a pris en grippe un instructeur de vol britannique qui disait : « Il n’était pas un bon pilote et il a endommagé deux avions lors d’accidents à l’atterrissage, mais il pensait qu’il savait tout. » « Il m’a aussi traité comme un nouveau cadet, ce que je n’ai pas aimé. »

Noel a également expliqué - « Nous avons opéré dans le cadre du programme Arnold, moitié américains et moitié cadets de la RAF. Les Américains avaient un major en charge et la RAF avait un commandant d’escadre nommé Roxbourgh. Nous portions des uniformes américains avec seulement la casquette de la RAF avec une bande blanche qui signifiait cadet (apprentis pilote). Au cours des dernières semaines de ma formation, l’instructeur britannique de vol [que je détestais] était renvoyé en Angleterre. Ils organisaient une fête de départ pour lui dans le mess des officiers. Un certain nombre d’entre nous les cadets avaient bu au mess ce soir-là, à notre retour dans nos quartiers, nous sommes passés devant le mess des officiers. Ivre et agressif, je suis rentré dans le mess des officiers et j’ai défié l’instructeur de vol à sortir dehors pour se battre contre moi. Mais W/C Roxbourgh s’est interposé entre nous, je lui ai donné une tape dans le dos et lui ai présenté la demi-bouteille de whisky que j’avais sous mon manteau. Je suis ensuite parti, rien ne m’a été dit jusqu’à la fin de notre cours. Lorsque nous nous sommes alignés pour la cérémonie de remise de brevet de pilote, mon nom a été appelé et j’ai dû aller me positionner complètement sur le côté de toute la classe, où je suis resté jusqu’à ce que chaque camarade reçoive ses ailes. Bien sûr, je n’ai pas reçu mes ailes [deuxième fois] et j’ai été informé que ma carrière dans la RAF était terminée. J’ai été libéré et je suis retourné en Alberta, totalement contrarié par ce que j’avais fait, mais j’étais pilote et je voulais toujours voler». via Clarence Simonsen


Inspiré par Bader et McKnight plus 18 mois de labeur acharné au 242e Escadron, Barlow n’a pas été du genre à démissionner, malgré ses revers. Il est retourné chez lui en Alberta, il s’est enrôlé dans l’ARC, puis il a été accepté pour la formation de pilote militaire, qu’il a terminé au SFTS no 15 Claresholm, en Alberta. C’était ironique qu’il ait d’abord parcouru 7 000 kilomètres jusqu’en Angleterre pour être pilote, suivi de 4 500 kilomètres supplémentaires vers l’Oklahoma et, enfin devenir pilote dûment qualifié à Claresholm... à seulement 100 kilomètres de chez lui à Carseland, en Alberta!

Après sa graduation, Barlow a été affecté à la 5e unité d’instruction opérationnelle à Boundary Bay, en Colombie-Britannique. Là, avec des équipages de toutes sortes (pilotes, bombardiers, navigateurs, artilleurs, ingénieurs et opérateurs de radio), il s’est qualifié sur le B-25 Mitchell et le B-24 Liberator.

Un B-25 Mitchell de l’Unité No 5 de formation opérationnelle (OTU) dans le ciel de la région de Vancouver. La photographie a été prise par Noel Barlow pendant sa formation là-bas. Photo par Noel Barlow, DezMazes Collection, via la page Facebook n ° 5 OTU

Deux photographies d’un Noel Barlow vieillissant et à la retraite. À droite, il tient une photo probablement prise pendant ses jours d’entraînement à la British Flying Training School No 3 en Oklahoma. À gauche, il tient une autre photo de lui-même en tant qu’officier pilote dans l’Aviation royale canadienne. Photos via Clarence Simonsen

Barlow resterait un ami proche de Douglas Bader pour le reste de sa vie. Lors des fréquents voyages de Bader à Calgary, lui et sa femme restaient toujours chez Barlow et sa femme Jeanne dans la petite ville agricole de Carseland. L’histoire raconte que lorsque Bader a visité Calgary à une occasion, les dirigeants de la ville ont voulu nommer une rue en son honneur, mais Bader a refusé, suggérant qu’un tel honneur aille plutôt à son mécano né en Alberta, un homme simple et inconnu nommé Noel Holland Barlow. 

Barlow est mort en 2002 à l’âge de 90 ans, exactement 20 ans après son ami Bader. Il est intéressant de noter que sur sa pierre tombale soient gravées les ailes de la Royal Air Force, même si la RAF l’ait contrecarré deux fois dans sa carrière. C’est pourtant l’ARC qui lui a décerné ses ailes et qui l’a nommé lieutenant d’aviation. Mais on a ici un puissant témoignage de ses jours passés au 242e Escadron et de sa profonde amitié pour Bader. Il avait choisi qu’on se souvienne de lui en tant qu’aviateur de la Royal Air Force.

Aujourd’hui, de retour à l’aéroport de Calgary dans une voiture de location, le GPS affiche une intersection et annonce avec une voix robotique : « Continuez sur Barlow Trail pendant 300 mètres, préparez-vous à tourner à droite sur McKnight Boulevard North East ». À ce moment-là, que le touriste le sache ou non, il ne fait aucun doute que deux grands héros canadiens sont ainsi commémorés.

La pierre tombale de Barlow au cimetière de Strathmore en Alberta montre que, malgré le fait que l’ARC l’ait nommé pilote et officier, sa véritable allégeance allait à ses compagnons d’escadron du 242e Escadron canadien et à son leader bien-aimé Douglas Bader. Photo par Ancaster à FindaGrave.com

Un panneau routier à Calgary, en Alberta, porte le nom d’un simple caporal mécanicien dans la Royal Air Force. Un hommage à l’histoire, à la loyauté, à la détermination et à l’amitié.

L'auteur tient à remercier Tim Dubé, Hugh Halliday, Clarence Simonsen, Todd Lemieux, Karl Kjarsgaard, Danielle Metcalfe-Chenail et Richard DeBoer pour leur aide ou leurs recherches. Si vous voulez en faire plus pour vous souvenir de McKnight et Bader, nous vous encourageons fortement à vous joindre à la Société canadienne d'histoire de l'aviation (Canadian Aviation Historical Society), un digne groupe qui a beaucoup fait pour notre patrimoine aéronautique au cours des 50 dernières années.

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