La bande de gars
Cette histoire n’est pas celle d’une mission de nuit terrifiante d’équipages volontaires à bord de bombardiers de la Bomber Command, ou du terrible prix qu’ils ont payé. Ce n’est pas une histoire d’as, ou de grandes batailles, ni d’innombrables sacrifices faits par de valeureux hommes et femmes qui ont payé le prix ultime et manqué les 25 000 levés de soleil qui leur étaient dus. Pour ceux et celles qui ont porté l’uniforme durant ce conflit, on ne décrira pas leur courage, leur solitude, leur discipline, leurs privations ainsi que les risques et la terreur qu’ils ont vécus quotidiennement sans broncher face à leurs responsabilités. Nous vous présentons plutôt notre dette envers eux, plus de 70 ans après leur retour à la maison. Cette une histoire universelle de dignité, la leur… et la nôtre. Peu importe si vous êtes australiens, américains ou britanniques, il faut comprendre l’ampleur de notre dette envers eux et la leur rembourser.
Traduction par Claude Brunette et Pierre Lapprand
Durant mon enfance, je vivais dans un quartier touché par les derniers vestiges de l’ère du Baby-Boom. Les maisons simples du secteur Elmvale Acres semblaient être là depuis un bon moment. À l’âge de 12 ans, je fréquentais le secondaire à l’école catholique pour garçons tout prêt de la rivière Rideau à quelques kilomètres de la maison paternelle. Durant les journées de printemps et d’automne, je prenais mon vélo pour me rendre à l’école. Je circulais sur le chemin Smyth qu’on avait récemment pavé tout en faisant face à un vent de face plutôt frisquet.
En route, sur la droite, j’apercevais des structures de bois un peu éparpillées sur une grande propriété très bien aménagée. Je notais que les bâtiments d’un étage couverts de bardeaux gris pâle avaient tous des rampes de bois qui s’inclinaient de chaque côté. Je voyais aussi des allées aménagées en bois qui reliaient les différents bâtiments. Il y avait aussi quelques grandes structures, un petit stationnement, un édifice de briques rouges qui abritait une piscine dont les grandes fenêtres à panneaux multiples étaient toujours embuées.
Quand j’enfourchais mon vieux vélo pour faire de grandes randonnées durant les journées ensoleillées ou pendant de chauds après-midi, je passais souvent près de cette propriété. J’apercevais sur les balcons ou sur les terrasses ces hommes assis tout seul dans leur fauteuil roulant. Mais on les voyait à certains moments accompagnés d’infirmières vêtues de beaux uniformes blancs. C’était les survivants du carnage de trois guerres : la Première et la Deuxième Guerre mondiale, ainsi que celle de Corée. Ceux âgés d’environ soixante ans avaient survécu à la Première Guerre. Ceux de l’âge de mon père avaient combattu pendant la Deuxième Guerre mondiale ou en Corée. Certains étaient victimes de brûlures, d’autres avaient perdu leurs jambes ou leurs bras. Ils restaient là, en silence, assis dans leur fauteuil roulant. Il y en avait qui fumaient. Face au soleil levant, ils semblaient regarder à travers le temps et l’éternité, ou fixait le vide qui les séparait de moi. J’avais toutefois l’impression que même dans ce paysage paisible, on y vivait une grande tristesse parce que même si on en prenait bien soin, ils étaient un peu isolés, comme si on avait peur qu’ils dérangent la société.
J’étais un jeune garçon timide de douze ans et ma peur de l’inconnu m’empêchait de faire demi-tour et de leur dire un petit bonjour. Parfois, je les saluais à quelques reprises en passant devant eux, réalisant par la suite avec un serrement au cœur, que la plupart du temps, ils n’étaient même pas capables de me répondre même s’ils l’avaient voulu. J’aurais dû avoir le courage d’aller vers eux, de me présenter à eux, de m’assoir avec eux, et ceci à chaque jour. J’aurais pu partager de la gentillesse et des rires avec eux. J’aurais pu écouter leurs histoires, leur raconter les miennes mais surtout, les faire se sentir importants et fiers, leur donner de la compassion. Mais je ne l’ai pas fait.
Encore maintenant, je le regrette toujours et j’en ressens un peu de honte. C’est pourquoi aujourd’hui je mets tant d’efforts à les rencontrer.
Accompagnés de notre photographe, Peter Handley, et de Claude Brunette, un autre de nos bénévoles, nous avons visité un endroit qui m’a permis de faire des choses que je n’avais pas fait il y a tant d’années. Nous avons visité un groupe d’anciens combattants de la Deuxième Guerre mondiale, un groupe qui diminue en nombre rapidement. Nous sommes entrés dans un endroit teinté de gentillesse et d’amour, un lieu qui les valorise, qui leur donne confiance, des intervenants qui écoutent leurs histoires et qui les font rire. C’est un endroit dont tous les canadiens devraient être fiers. Il s’agit de l’Hôpital Sainte-Anne, situé à l’ouest de Montréal.
L’Hôpital Sainte-Anne est le dernier hôpital de soins de longue durée pour les anciens combattants, administré par le Ministère des Anciens Combattants, responsable du bien-être des anciens combattants canadiens. Construit en 1917, ce fut l’un des neufs hôpitaux établis par le gouvernement conservateur du premier ministre Robert Borden sous la direction de la Commission des hôpitaux militaires. Le pays faisait face au retour de nombreux blessés, de malades, de victimes d’attaques au gaz, durant les campagnes du front de l’ouest en France et en Belgique. Il y avait un grand besoin pour ce nouveau type d’hôpitaux pour traiter les différents types de blessures, y compris celles causées par les gaz toxiques et les traumas psychologiques causés par la guerre.
Histoires liées Cliquez sur l'image
A la fin de l’été, nous nous sommes rencontrés Peter, Claude et moi au hangar des Ailes d’époque. Nous avons pris l’autoroute 50 sans oublier de faire au préalable le plein chez Tim Horton! Puis nous avons traversé Hawksbury en direction de la Belle province. En passant sur le pont du Lac des deux Montagnes, on peut apercevoir la structure imposante de l’Hôpital Sainte-Anne Je l’avais déjà vu à plusieurs reprises en conduisant vers Montréal, sans savoir ce que représentait cette construction grise imposante. Je n’avais imaginé que c’était l’endroit où on prenait soin de nos héros.
Notre but était de savoir comment allaient nos anciens combattants et d’apprendre comment on prenait soin d’eux dans cette dernière période de leur vie. Avant notre arrivée, j’avais demandé à Andrée-Anne Desforges, de la Fondation de l’hôpital, de pouvoir rencontrer plusieurs anciens combattants, surtout ceux qui avaient servis dans l’Aviation royale canadienne (ARC). Au cours des premières décennies de son existence, l’extérieur de l’hôpital était bien aménagé, avec des jardins. Un site paisible. Toutefois, à l’intérieur, la discipline militaire était de rigueur. Les nouvelles disciplines de la science médicale pour traiter les blessures de guerre physiques et psychologiques en étaient à leurs balbutiements. Aujourd’hui, si l’extérieur est sobre, l’intérieur n’en est pas moins un environnement de soutien où règne la bonne humeur. Avec le temps, on a déjà fait bien du chemin dans la manière d’apporter des soins aux anciens combattants. L’hôpital d’aujourd’hui est plutôt devenu un lieu où évolue toute une communauté.
L’hôpital traite les anciens combattants selon deux groupes distincts : les anciens combattants traditionnels, de la Deuxième Guerre mondiale et de la guerre de Corée. Ces derniers sont pour la plupart des résidents permanents qui nécessitent des soins de longue durée et qui sont soignés pour des problèmes de santé divers, des problèmes de mobilité ou encore pour leur défis cognitifs. Le second groupe est composé des vétérans de la nouvelle génération. Ceux-ci ont pris part à diverses missions de maintien de la paix telles que celles au Kosovo, en Bosnie ou en Afghanistan. Il y a grand besoin au Canada de traitement contre le syndrome de stress post-traumatique (SSPT) suite, entre autres, aux 13 ans de participation de plus de 40 000 canadiens à la campagne en Afghanistan. Les vétérans de ce groupe viennent du Québec et d’ailleurs au Canada pour obtenir des soins spécialisés pour traiter le SSPT ou d’autres blessures reliées à leurs fonctions militaires.
L’Hôpital Sainte-Anne est reconnu comme chef de file du traitement du SSPT. On y utilise une approche multidisciplinaire qui regroupe des psychiatres, des psychologues, des médecins, des travailleurs sociaux, du personnel infirmier et d’autres types de professionnels de la santé. On dessert la communauté militaire canadienne par le biais de deux cliniques externes, celle reliée au traitement du stress opérationnel et l’autre consacrée à la gestion de la douleur chronique, en plus d’une clinique résidentielle de traitement des traumatismes liés au stress opérationnel unique au pays.
L’Hôpital Sainte-Anne est maintenant affilié à la faculté de médecine de l’Université McGill, l’une des plus importantes facultés médicales canadiennes. Grâce à cette association, l’Hôpital Sainte-Anne prévoit devenir un centre d’apprentissage et possiblement de développement professionnel par voie d’internat, pour les étudiants et gradués voulant se spécialiser dans le traitement du SSPT
Les personnes que nous avons rencontrées et à qui nous avons parlé faisaient partie du groupe « traditionnel » des anciens combattants. En effet, l’un des mandats des Ailes d’époque est d’enseigner aux jeunes d’aujourd’hui les leçons trop souvent oubliées au sujet du devoir, de l’honneur et du sacrifice, à travers les expériences vécues par les aviateurs de la Seconde Guerre mondiale et de la Guerre froide. Nous voulions ainsi savoir comment ces grands canadiens, à qui l’on doit tant, étaient soignés dans le tout dernier hôpital responsable de leur bien-être. Lors de notre visite, les entrevues, questions et photos furent majoritairement dirigées vers les plus âgés de nos anciens combattants Nous n’étions pas venu pour discuter des grands objectifs des soins de santé de l’ensemble de l’hôpital, ou de son rôle de chef de file dans les traitements des blessures causées par le stress du service militaire. Notre intention était de voir quels étaient les soins prodigués au groupe traditionnel des anciens combattants dont les histoires regorgent dans le site internet des Ailes d’époque.
La recherche sur le SSPT et les approches thérapeutiques offertes au groupe des nouveaux vétérans ont largement contribué à changer les modes de traitement. On travaille aussi à améliorer les approches cliniques, sociales et occupationnelles et la recherche pour le compte des résidents âgés souffrant de problèmes de santé physiques ou psychologiques. L’Hôpital Sainte-Anne est maintenant affilié à la faculté de médecine de l’Université McGill, l’une des plus importantes facultés médicales canadiennes. Grâce à cette association, l’Hôpital Sainte-Anne prévoit devenir un centre d’apprentissage et possiblement de développement professionnel par voie d’internat, pour les étudiants et gradués voulant se spécialiser dans le traitement du SSPT. Ceci veut donc dire que le groupe de vétérans traditionnels vivent mieux et profitent d’un plus grand choix de soins thérapeutiques, de programmes sociaux, de techniques éprouvées et d’avancées scientifiques. Les succès de l’hôpital sont attribuables en grande partie au personnel qui travaille sur les unités et avec la Fondation de l’Hôpital Sainte-Anne. Le respect pour les hommes et femmes sous leur responsabilité est le fondement de leur travail et leur motivation pour l’innovation. Andrée-Anne Desforges parle chaleureusement des résidents de Sainte-Anne dont la Fondation contribue à améliorer les vies. Avec son grand sourire, elle a parlé de la petite « bande de gars » que Peter, Claude et moi allions rencontrer. Cette rencontre n’était pas qu’avec des résidents mais bien des hommes encore jeunes de cœur, ayant un sentiment de contribution et qui cachaient un petit diable à l’intérieur … après tout, ce sont des gens de l’ARC
Sur les unités de soins de longue durée, on reçoit des anciens combattants dit ‘’traditionnels”. Certains d’entre eux y sont hébergés depuis plusieurs années et l’hôpital sera leur dernière résidence. Ils seront entourés et soutenus par des gens qui leur donneront toute l’attention voulue. Des 350 anciens combattants traditionnels, y compris ceux de la guerre de Corée, l’âge moyen est de 92 ans. A cause de leur âge, ils souffrent des mêmes problèmes que le reste de la population gériatrique, par exemple, la dysphasie, les difficultés de mobilité, la douleur chronique, les problèmes dentaires en plus des soins palliatifs. Ce qui rassemble ces personnes, c’est leur expérience de la guerre et notre devoir de prendre soins d’eux et ce, même si la plupart ne souffrent pas de conséquences directes de leur service militaire.
Pour gérer les besoins médicaux, l’hôpital a élaboré et utilise de nouvelles techniques pour la gestion de la douleur et traiter les blessures reliées au stress de la nouvelle génération de vétérans. Ils en font de même pour traiter la démence et les autres défis médicaux comme la dysphasie chez les anciens combattants traditionnels. La dysphasie est une maladie caractérisée par une difficulté à avaler. Elle peut affecter tout le monde, mais on la retrouve souvent chez les personnes plus âgées. Cette maladie affecte plus de 70 % des personnes âgées en résidence et approximativement 10% des personnes de 65 ans et plus. La dysphasie est souvent le résultat d’autres causes y compris les accidents cardio-vasculaires. Les repas pour ceux souffrant de dysphasie sont souvent servis sous forme de purées plus faciles à avaler. La purée de viande ou de légumes peut paraître moins appétissante pour ceux qui ont déjà perdu l’appétit. Ainsi, à l’hôpital Sainte-Anne, on a développé une façon de reformer la purée pour qu’elle ressemble à la forme de l’aliment original. En utilisant des moules et des produits pour améliorer sa consistance, la purée devient ainsi un plat plus appétissant. Ceci peut avoir un effet psychologique important pour les vétérans. L’expertise et la technologie développées par l’hôpital sont à la base du transfert technologique accompli par la compagnie qui s’appelle Prophagia, produisant des aliments pour les personnes souffrant de dysphasie.
Avec le soutien de la faculté de sciences dentaires de l’Université McGill, l’Hôpital Sainte-Anne est à la fine pointe d’une nouvelle approche scientifique pour le traitement et les services de soins dentaires gériatriques. La santé dentaire des anciens combattants est souvent affectée par la médication, la diète, les problèmes cognitifs et même la perte de poids. Les anciens combattants ont vécu durant une période caractérisée par l’absence de fluorure, du manque d’accessibilité à de soins dentaires de qualité ainsi qu’aux différentes prothèses orales. Des dentiers mal ajustés peuvent causer une perte de poids et de l’inconfort qui nuisent à la qualité de vie. On peut ainsi visiter la clinique dentaire de l’hôpital pour des ajustements mineurs ou régler d’autres problèmes dentaires.
L’évolution des soins palliatifs, gériatriques et psychiatriques permet de fournir à nos vétérans traditionnels une vie heureuse, variée et digne d’intérêt. S’ajoute une panoplie de petites choses qui apportent réconfort et bien-être. C’est ce que font si bien l’hôpital et sa Fondation. Les résidents sont encouragés à socialiser, à circuler dans l’hôpital et à participer à une grande variété d’activités. Deux fois par semaine dans l’auditorium, les résidents chantent de tout cœur accompagnés par des pianistes bénévoles. Il y a aussi deux allées de quilles qui étaient d’ailleurs très occupée lors de notre visite. On entendait le bruit des boules qui venaient frapper les quilles. Les résidents peuvent faire de l’artisanat, de l’art ou travailler dans l’atelier de menuiserie. Ceci leur permet de demeurer actifs en plus de leur montrer qu’ils peuvent encore créer des objets de valeur et qu’il y a encore des choses à apprendre.
Les activités sociales font partie intégrante et importante de nos vies. Partager des repas, jouer aux cartes ou au billard, bavarder ensemble en sirotant une bonne bière froide et n’oublions pas le bon vieux Bingo. Toutes ces activités sont organisées pour le bien-être des résidents afin de rebâtir dans leur vie un sentiment de vie normale et de camaraderie. Lorsque le maïs et les fraises sont de saison, on organise des évènements qui regroupent les résidents pour célébrer et partager la bonne bouffe entourés par une communauté hors pair. Un programme très efficace qui est financé par la Fondation est le projet Skype. Des bénévoles apportent un ordinateur portable fourni par la Fondation et assistent les anciens combattants qui désirent parler à leur proches ou à des amis à se brancher à Skype. Les bénévoles peuvent ainsi relier les vétérans par réseau informatique à leur famille et amis à distance. Ceux qui ne sont pas familiers avec la technologie d’aujourd’hui peuvent maintenant, avec Skype, voir et parler à leurs enfants, petits-enfants et arrière-petits-enfants, ou encore à leurs anciens camarades, directement depuis leur chambre.
La Fondation évalue chaque nouvelle idée afin d’améliorer le bien-être des résidents. On cherche toujours des moyens simples et rentables pour stimuler les résidents à s’engager. La musique et la zoothérapie sont favorisées et sont efficaces pour remplacer des parties de vie perdues à jamais. L’effet positif qu’un animal peut avoir pour apporter de la joie et du réconfort est notable. La musique vient contrer le stress de la solitude. Il ne faut pas oublier que le rire remplace souvent la pilule. Ainsi, un programme qu’on appelle La Belle Visite est fort populaire à l’Hôpital Sainte-Anne. En fait, il s’agit de visites hebdomadaires rendues par deux artistes thérapeutiques à des résidents rencontrant des défis cognitifs. Ces rencontres permettent la réminiscence, améliorent l’humeur en donnant une place à l'humour, en invitant au partage relationnel et à la socialisation tout en stimulant l'imaginaire.
Notre visite à Ste-Anne de Bellevue n’était pas pour observer les soins prodigués aux anciens combattants mais bien pour les rencontrer. Andrée-Anne a fait les arrangements pour que nous puissions rencontrer des anciens combattants de l’ARC qui ont combattu durant la Deuxième grande guerre. Nous avons été de chambres en chambres pour passer un peu de temps avec chacun. Nous avons été introduits au capitaine d’aviation Leonard Allistair Fuller qui a effectué un tour de service complet pour la Bomber Command sur des Handley Page Halifax. Le soleil brillait dans sa chambre qui était bien mise et invitante. Il avait placé sur son lit, son manteau avec l’écusson de l’escadrille 415 de l’ARC accompagné de ses nombreuses médailles qui brillaient au soleil. Il bondit du côté de son lit pour nous accueillir chaleureusement. Il a disparu rapidement pour chercher une autre chaise pour nous accommoder. Il est reparti pour inviter un autre ancien combattant de l’ARC, le sergent Gilbert Prévost qui s’est joint à nous. Puis Everett Paul Firlotte un ancien mitrailleur de Lancaster, a aussi fait partie de la discussion. Il nous paraissait clair que nous étions attendus et qu’ils étaient heureux de nous voir. On nous a traité comme des célébrités. On n’est resté qu’environ 30 minutes mais se fut une visite inoubliable. Nous avons discuté de leur service militaire durant la Deuxième Guerre mondiale. J’ai pu apprécier leur bien-être et leur volonté de continuer à vivre. La première chose que j’ai remarquée était leur habillement bien mis, et leur hygiène était impeccable. Les sept d’entre nous relaxions dans la chambre de monsieur Fuller et nous avons fait un voyage dans le temps. Les questions que nous leur demandions a fait en sorte que leurs visages s’animaient et tout cela leur faisait revivre des souvenirs joyeux et parfois tristes.
La vieillesse n’est pas toujours plaisante. Je vous en parle d’expérience personnelle. Durant nos rencontres, il était parfois difficile pour ces vétérans de répondre précisément à nos questions, par exemple, leurs aérodromes, les lieux de formation, et les escadrilles dans lesquelles ils ont servis. Nous ressentions leurs frustrations lorsqu’ils creusaient leurs mémoires mais ils préféraient plutôt demeurer animés et s’engager dans la conversation. Ce fut une bonne journée. Le soleil brillait, les gens se visitaient et de nouvelles amitiés se créaient. Nous avons ri avec eux en plus d’avoir des moments de réflexion. Toutefois, la chose la plus remarquable, c’était de ressentir la grande dignité qui imprègne cet endroit, et de voir combien chaque résident se sentait valorisé, entouré d’amour et de soutien, jour après jour, comme cette journée qui était une bonne journée, ou du moins la meilleure possible.
La dignité, que demander de mieux?
Gilbert Prévost, sergent à la retraite, est un homme élégant et volubile. Il était technicien de l’entretien dans l’Aviation royale canadienne (ARC) durant la Deuxième Guerre mondiale. La démographie des résidents s’apparente à la démographie de l’ARC durant la Deuxième Guerre mondiale. La majorité d’entre eux, comme le sergent Prévost, était assignée à des tâches de soutien. Il fut assigné à plusieurs différentes escadrilles de l’ARC durant la guerre, dont les aérodromes du Groupe 6 de la Royal Air Force situé à Leeming North Yorkshire en Angleterre. Monsieur Prévost tenait à minimiser son rôle, mais sans des personnes comme lui, qui ont quitté leur demeure et risqué les menaces des U-Boats en traversant l’Atlantique, l’ARC n’aurait jamais atteint ses hauts niveaux de rendement. Photo : Peter Handley
Par moments monsieur Fuller devenait pensif lorsqu’il se souvenait des membres de son équipage perdus lors des missions. Survivre à une période de service de 30 missions était tout un accomplissement. Il y a eu 125 000 membres d’équipage dans le Bomber Command durant la guerre. Des milliers de jeunes hommes, dont la plupart étaient des volontaires, 55 573 y ont laissé leur vie, 8 403 furent blessés et 9 838 ont été faits prisonniers. Le taux de décès était stupéfiant : 44,5 %. Pour mettre ce taux en perspective, la 8th Air Force –The Mighty Eight— de l’armée de l’air américaine, qui avait plus de 350 000 membres d’équipage, de ce nombre, 26 000 ont perdu la vie, soit un taux de 7,45 %. Même s’il s’agit d’un taux terrible de perte de vie, ce taux pâlit en comparaison avec celui du Bomber Command. Un aviateur du Bomber Command avait moins de chance de survie qu’un officier britannique qui combattait durant les terribles batailles des tranchées de la Première Guerre mondiale. Les chances de survivre à une période de service de 30 missions du Bomber Command a diminué à 16 %. Plusieurs ont été tués lors d’accidents pendant la période d’entraînement avant même de joindre le Bomber Command. 5 327 membres d’équipage sont décédés durant les vols d’entraînements. Les membres d’équipage de monsieur Fuller étaient l’adjudant pilote J. Mackenzie; le sergent P. Herring navigateur; le Sergent O. Higgins l’opérateur radio; le mitrailleur de la tourelle dorsale le sergent J. Hoggs; le mitrailleur de queue le sergent W. Broad; l’ingénieur de vol le sergent J. Chalerbois; le mitrailleur de la tourelle ventrale le sergent J. Graham. Photo : Peter Handley
La Fondation de l’Hôpital Sainte-Anne a été créée en 1998 afin de trouver des nouveaux moyens pour le soutien de programmes qui permettent une plus grande dignité pour les anciens combattants de la Deuxième Guerre mondiale, de la Guerre de Corée et pour les vétérans de la nouvelle génération. L’énoncé de mission de la Fondation note que la responsabilité n’est pas que celle du gouvernement mais de tout le monde qui bénéficie d’un monde pour lequel ces anciens combattants ont risqué leur vie. Il revient à des citoyens tels que nous, non seulement aux vétérans et militaires, à leurs familles et au gouvernement, mais à nous tous, d’exprimer notre gratitude, de façon concrète, envers nos vétérans qui se sont sacrifiés en temps de guerre, et envers nos jeunes militaires canadiens qui continuent à risquer leur vie, pour maintenir la paix à travers le monde.
Un de programmes importants de la Fondation de l’Hôpital Sainte-Anne est Opération Dignité . C’est au cœur des activités de l’hôpital. Ce projet vise une levée de fond de 2,5$ millions pour le maintien du niveau de soins pour les anciens combattants traditionnels et ceux de la nouvelle génération ainsi que ceux et celles qui servent présentement. La Fondation précise que « En considérant que les prochaines années représentent le dernier chapitre dans la vie de nos vétérans de la Seconde Guerre mondiale et de la guerre de Corée, nous sommes déterminés à leur offrir les meilleurs soins et le confort qui leur permettront de vivre et de mourir avec la dignité qu’Ils méritent. Avec une moyenne d’âge de plus de 90 ans, nos vétérans traditionnels nécessitent de plus en plus de soins et de services liés à leur condition de santé physique et psycho-gériatrique….En effet, avec le vieillissement, l’augmentation de leurs déficits et de leur perte d’autonomie, ils nécessitent des services cliniques et des programmes innovateurs qui permettent également de combattre les effets de la solitude et de l’isolement. Dans ce contexte, La Fondation est de plus en plus appelée à participer au bien-être de ces hommes et de ces femmes. Avec la détérioration progressive de leur état de santé physique et psychologique, un plus grand nombre de vétérans de la Seconde Guerre mondiale et de la guerre de Corée se trouvent dans la phase finale de leur vie et ont des besoins spécifiques de soins de fin de vie et de soins palliatifs. Le financement de programmes et d’équipements adaptés ainsi que des approches innovatrices nous permettent de répondre adéquatement aux besoins personnalisés de ces vétérans et de leurs proches.
En écrivant ce texte, à une centaine de mètres de mon bureau, on vient d’attaquer les édifices du Parlement canadien. Un soldat en service de garde au monument national de guerre a été descendu par un terroriste probablement radicalisé natif d’ici. ON a annoncé que le soldat, réserviste du régiment Hamilton Argyle est décédé. Le chaos et le stress est évident partout. Les premiers répondants sont partout. Dans l’ouest, en Alberta, d’autres canadiens se préparent pour le déploiement des chasseurs CF-18 qui participeront au combat contre l’EI en Iraq et en Syrie. D’autres conseillers canadiens seront envoyés au sol en Iraq. Il est évident que les vétérans des guerres d’outremer ne sont pas que du passé. La façon dont nous prenons soins de nos vétérans est un indice de notre vrai engagement de maintenir notre liberté pour laquelle ils ont combattus. De nos jours, il est évident plus que jamais, qu’il y aura encore des anciens combattants et d’autres seront appelés à défendre notre façon de vivre et les libertés que nous prenons souvent pour acquis. Il est important qu’ils sachent que nous allons valoriser leur engagement envers notre pays, maintenant et pour les années à venir, en souhaitant de tout cœur qu’ils puissent bien en profiter à leur tour.
Si vous désirez démontrer votre engagement envers le soutien aux anciens combattants traditionnels, ceux dela nouvelle génération, les militaires en service et les prochains anciens combattants, pour le soutien continu de leur dignité et de leur qualité de vie, même si elle s’écourte parfois trop vite,, je vous invite à faire une contribution a la Fondation de l’Hôpital Sainte-Anne, Opération Dignité, en cliquant sur le lien ci-dessous.
Dave O’Malley
Les Ailes d’époque désire remercier la Fondation de l’Hôpital Sainte-Anne, plus particulièrement Andrée-Anne Desforges. Nous apprécions aussi le temps passé avec Leonard Fuller, Gilbert Prévost, Everett Paul Firlotte, William Myers, Germain Beaulac, Hélène Lacasse, Anthony Ozanick, Rosaire Gaston Oullette. Je veux aussi remercier mes collègues visiteurs, Claude Brunette et Peter Handley.