L’effet Hadfield
Traduit de l’anglais par Luc Cloutier.
Infatiguable, serein, engagé, inspiré et über accompli; Chris Hadfield transcende le statut de rock star pour devenir un parangon de l’excellence pour tous les Canadiens – de 4 à 94 ans.
Il m’arrive fréquemment de secouer la tête devant l’attention de type voyeurisme pavlovien que certaines, devrait on dire, « célébrités » reçoivent pour avoir pourtant fait si peu. Parmi les pires exemples, vous avez ces produits humains plastifiés que sont les Paris Hilton, Snooky de Jersey Shore et Kim Kardashian qui possèdent à peu près autant d’humanité qu’un avatar créé par ordinateur. L’expression « Célèbre pour être célèbre » semble être prononcée par ces mêmes gens qui scrutent chaque mouvement titillant de ces créations humanoïdes sans que jamais cela ne leur paraisse ironique.
Puis vous avez les célébrités du monde entier qui ont obtenu leur renommée en accomplissant quelque chose dans un secteur précis de la culture populaire. Certaines d’entre elles, telles que les citoyens de la Saga Twilight, ont consacré des semaines voire des mois de leur vie à personnifier des héros de la culture populaire sur écran géant, caracolant sur les tapis rouges et faisant la moue pour les « zines » destinés aux ados. En échange de ces efforts et accomplissements, fort peu herculéens il va sans dire, ils deviennent de véritables aimants pour les groupies, les meutes de chasseurs d’autographes, la presse people et harceleurs de tout poil.
Il y a également toutes ces étoiles du rock, du cinéma, du sport, de la télévision, de la politique; autant d’étoiles formant un firmament unidimensionnel de talent, de chance, de mauvais comportement, de séduction et de marketing cynique. On devient en droit de se demander si le simple fait d’avoir un bon lancer frappé, de beaux cheveux, des talents de danseur et une aptitude à la rime est tout ce dont on a besoin pour obtenir, non seulement le succès financier, mais également pour devenir un modèle que les autres tenteront de reproduire.
Tristement, il semble pourtant qu’un bon élan au golf soit tout ce qu’il faut pour être considéré comme un réalisateur de grandes choses tandis que les mauvais comportements et les choix douteux sont tout ce qu’il faut pour avoir sa place dans les tabloïds. Voilà des leçons que nous ne souhaitons pas transmettre à nos enfants… à moins bien sûr que vous ne soyez un Kardashian.
Lors de notre récent spectacle aérien, j’ai eu l’insigne honneur d’agir à titre de coordonnateur pour la visite du commandant Chris Hadfield dont la récente occupation, au cas où vous auriez vécu dans une grotte au cours de la dernière année, fut celle de prendre soin de la Station spatiale internationale (SSI) en orbite autour de la Terre. Cette tâche m’aura permis de porter un regard de près sur la vie difficile et épuisante de cet aviateur exceptionnel, symbole vivant de tout ce qui devient possible par les bons choix, la discipline, la condition physique, l’éducation et le talent. Voilà un homme qui représente l’excellence dans de multiples domaines, et ce, à l’échelle… planétaire.
Aviateur, pilote de chasse et d’essai, astronaute, conférencier, motivateur, linguiste, musicien, auteur-compositeur-interprète, mais avant tout père de famille et grand communicateur, les réalisations de Chris Hadfield combinées avec son incroyable talent de vulgarisateur scientifique l’ont propulsé sur la scène internationale et me voilà en position de le côtoyer et d’enfin observer comment cet homme négocie sa nouvelle célébrité.
Beaucoup de gens ont comparé Chris à une vedette de rock ou de cinéma, des descriptions de postes qui me semblent bien trop simplistes et qui ne parviennent pas à justifier le remarquable effet qu’il a sur les gens. Une vedette de cinéma, c’est un type comme Tom Hanks qui joue un astronaute dans un film et une vedette du rock c’est comme David Bowie qui chante au sujet d’un astronaute dans une vidéo. Partout où ces deux se présentent, des adultes se ruent pour obtenir un autographe et font la file pour les voir en personne… ce qui correspond exactement à ce que j’ai pu observer lors du spectacle aérien.
La différence avec Chris Hadfield c’est que les adultes en adoration insistent surtout pour que leurs enfants le rencontre et soient inspirés par lui. On retrouve rarement des enfants lors des attroupements devant une vedette de cinéma, mais plutôt des admirateurs adultes ou adolescents, mais j’ai pu voir des familles entières : père, mère, grands-parents … avec leurs enfants à l’avant, des enfants de 3 a 18 ans tous aussi émerveillés les uns que les autres. Je ne suis pas devin, mais je pouvais lire dans les pensées de ces parents.
Ces parents « présentaient » leurs enfants à Hadfield pour que ceux-ci puissent ressentir l’inspiration et en garder un souvenir impérissable tout au long de leur vie. On y trouvait des enfants portant une combinaison spatiale, casque compris, d’autres en tenue de pilote de chasse, il était facile de voir que Chris Hadield avait remplacé les joueurs de hockey et les dinosaures dans leurs champs d’intérêt. Il accordait une attention particulière aux Cadets de l’Air, car il attribue une bonne partie de sa vie disciplinée et à l’importance d’atteindre ses objectifs à l’enseignement offert par ces types de programmes canadiens de développement des jeunes.
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L’effet sur moi était tout aussi puissant. Je constatais que les parents comprenaient bien. Ils voyaient Chris à plusieurs niveaux – symbole national, icône de la musique, homme de grandes réalisations toujours avec l’humanité d’un Canadien ordinaire. Mais avant tout, ils le voyaient comme le meilleur modèle que nous avons dans ce pays. La rencontre avec Chris impliquait toute la famille, mais ils étaient tous là à titre de soutien pour les enfants afin qu’ils puissent vivre cette expérience, rencontrer cet homme, constater qu’il était réel, humain et fort sympathique. Cela démontre que les Canadiens veulent que leurs enfants rêvent, soient disciplinés pour, à la fin, réussir. C’était tout à fait rafraîchissant de voir que les parents (Français, Anglais, Indo-Canadien, Arabes, Africain, Asiatiques…cela n’avait plus aucune importance) ont vu Hadfield comme une lueur d’espoir pour l’avenir de leurs enfants. Les parents sont la clef. Il nous faut leur transmettre le message de Chris : La vie est belle et tous les efforts sont récompensés lorsque l’objectif est atteint.
Pendant les sept heures, il déambula sur le tarmac, s’assied aux tables d’autographes et demeura serein, direct et pleinement engagé avec chacun des enfants, adultes, anciens combattants qu’il croisa. Jamais il ne prononça de mot méchant, n’eut de moment de lassitude ou ne démontra le moindre autre signe que celui d’être ravi et honoré de se trouver où il était. Il marchait au même rythme et avec la même grâce vers chaque endroit où on le réclama. Bien que c’était mon travail de lui permettre de respecter l’horaire et de l’emmener d’un endroit à l’autre, jamais je ne pus briser le contact direct, yeux dans les yeux, qu’il accorda à chacune des personnes qui eurent la chance de lui adresser la parole. Ce ne fut qu’après qu’il eut accordé l’attention entière au dernier enfant devant lui que je pouvais me permettre de le faire transiter vers le prochain emplacement.
Il demandait à tous les enfants ce qu’ils souhaitaient devenir plus tard. Il prit la main d’un jeune homme, le regarda droit dans les yeux et tout en serrant sa main fermement lui dit sans aucune forme de reproche ou de récrimination « Quand vous serrez la main de quelqu’un, jeune homme, il importe de le regarder droit dans les yeux tout en gardant une prise ferme. » puis il lui demanda en quelle année scolaire il était et quels étaient ses sujets de prédilection. Voilà une leçon de vie de 60 secondes venant d’un homme qui possède beaucoup de crédibilité pour toutes les générations.
Chris arriva en Cessna et repartit en Chipmunk tout en laissant d’impérissables souvenirs à de nombreux jeunes garçons et filles. Il a déjà réalisé de grandes choses, mais je suis convaincu que de plus belles sont encore à venir.
Je lui ai écrit pour lui demander s’il nous permettait de raconter l’histoire de sa visite, une politesse que quelqu’un de sa trempe a le droit de recevoir. Il répondit oui, mais en précisant clairement que les bénévoles qui ont fourni tant d’efforts pour faire de ce spectacle un succès méritent autant sinon plus de respect. Du Hadfield « tout craché! »
Les spectacles aériens durent deux jours, l’inspiration elle demeure pour des générations.